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ainsi l’histoire. En histoire comme en guerre, nous n’avons pas l’intention de leur laisser mener la bataille. Nous travaillerons pour la vérité, comme nous avons travaillé pour le droit. Le fort de Douaumont n’était nullement « détruit en grande partie » quand le bataillon Nicolaÿ le réoccupa. Le génie français qui l’a construit pourra même triompher plus tard quand les statisticiens fourniront la liste des tonnes de fer qu’il a reçues en regard de ses très incomplètes démolitions. Quant à son importance, les Allemands se chargent de l’établir. Dans le bureau de la Kommandantur, fort bien tenu, un dossier de plusieurs centaines de pièces, uniquement consacré à Douaumont, a été dressé avec bordereau et couverture. Déjà les interprètes volontaires se sont mis à le traduire, avant qu’il soit expédié au Quartier Général de l’Armée. On le dépouille en hâte et l’on y fait des découvertes intéressantes. Dans un mémoire sur le fort, composé en septembre 1916, les raisons de conserver cet ouvrage sont énumérées avec un soin extrême. Il y a du plaisir à lire un travail aussi minutieux. L’auteur n’avait pas prévu l’usage qui en serait fait un jour.


La valeur du fort, y est-il dit, abstraction faite de la grande importance politique de sa possession, réside dans la possibilité de dominer par notre artillerie le terrain situé devant lui, grâce aux observatoires excellens établis dans les tourelles cuirassées. Une surprise de notre première Ligne d’infanterie ne peut être empêchée que par ce moyen. De plus, le fort assure, dans une mesure restreinte, un bon abri à nos réserves, à deux kilomètres de notre première ligne. Vu la proximité de l’ennemi, l’absence de tout point d’appui entre la première ligne et le fort, l’état tout à fait insuffisant des défenses d’infanterie du fort lui-même, il faut entrevoir encore aujourd’hui, à tout instant, la possibilité d’une surprise...


Excellent mémoire qui recommande la prudence : rien n’y manque, ni la valeur politique du fort, ni l’intérêt, pour l’artillerie, de ses merveilleux observatoires, ni celui de ses abris pour les réserves. Pas de point d’appui entre la première ligne et le fort : le commandement allemand s’en est préoccupé, car il faut prévoir la surprise d’une attaque, et le 18 septembre, le général von Lochow, commandant le groupe d’attaque Est, donne l’ordre d’organiser d’une manière très puissante cette première ligne qui doit être assurée de tenir par elle-même :