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«... Camarades, saluons fièrement ceux des nôtres dont le sang généreux a payé ce triomphe. Ces héros ne sont pas morts : nobles martyrs de la plus juste des causes, leur âme généreuse, dans les luttes futures, fera rayonner sur nous l’amour sacré d’une Patrie chérie, indignement souillée... »


Du commandant Nicolaÿ j’ai reçu cette lettre écrite au fort même :

« ... L’enlèvement du fort de Douaumont résulte d’un mérite collectif agréé par le destin.

« Ce mérite est fait de préparation minutieuse, de volonté obstinée et d’esprit de sacrifice. Il ne s’est pas manifesté par une somme d’actes individuels remarquables, à l’inverse de ce qui s’est passé sur les premières lignes. Au fort, notre décision collective a pris d’emblée le pas sur la décision allemande que nous avons dominée en allant rapidement chacun à son objectif, sans tenir compte du bombardement, et sans hésiter devant les premières résistances rencontrées.

« Cela s’est passé ainsi. Il faut voir surtout dans cette journée la grandeur du résultat et la marque du destin. Quant à l’homme, en tant qu’individu, il était très bien préparé, il s’est donné complètement, il a eu le sentiment de la grandeur de sa tâche et il n’a pas eu une seconde d’hésitation. Cela est bien ainsi... »

La prise de Douaumont est une œuvre collective où les efforts et les héroïsmes de tout un bataillon, après ceux des deux autres qui l’ont préparée, viennent se perdre. Le premier commandant du fort ne veut pas qu’un rayon de cette gloire se détache pour mettre un visage en lumière. Comme un prophète d’Orient, il invoque le destin, et par deux fois. N’est-ce pas le destin qui, tout à coup déchirant les nuages, a désigné le fort, d’avance conquis, aux assiégeans égarés ? Mais, lui-même, le destin ne l’a-t-il pas marqué ? Il est, il restera le vainqueur de Douaumont. Il a passé les mers pour accomplir cet exploit légendaire et, l’ayant accompli, il disparaîtra, car une telle fortune suffit à porter une vie humaine.

A la prochaine bataille, celle du 15 décembre, qui a pour objet d’élargir le cercle autour des forts de façon à les mettre hors des distances d’assaut et qui achèvera par Ià même la victoire de Verdun dont elle est l’épilogue, le commandant