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opposition sournoise chez certains hauts fonctionnaires... Qui connaît un peu la Grèce de 1916 ne s’en étonnera point.


La guerre au français s’est fait sentir aussi dans les écoles musulmanes naguère florissantes, aujourd’hui bien diminuées.

— N’oubliez pas de les visiter, ces pauvres écoles, m’a dit un Turc salonicien. Elles furent prospères, autrefois. Avant les guerres balkaniques, elles subsistaient au moyen de l’écolage des élèves, mais il faut dire que 25 p. 100 des écoliers recevaient l’instruction gratuite et que 15 p. 100 donnaient une rétribution misérable. Les gros commerçans deunmehs entretenaient les deux écoles, Feizié et Tériki, l’une pour les garçons, l’autre pour les filles. Afin d’augmenter les ressources pécuniaires, on organisait des quêtes, des fêtes de charité, de petites excursions en train de plaisir... Et dans ce temps-là, le français occupait une grande place sur le programme d’études une place plus importante que celle du turc... Les diplômes de sortie étaient assimilés au baccalauréat et les diplômés allaient directement à l’Université de Constantinople. Depuis la dernière guerre balkanique, tout a changé : il y a moins d’élèves, moins de classes, moins d’argent, et moins de français au programme... Le gouvernement hellénique a promis une subvention qui n’a jamais été payée. Les écoles ont dû s’endetter. Pourtant, elles durent : elles veulent durer, malgré les brimades...

— Vous affirmez que les deunmehs saloniciens ont des sympathies pour la France, dis-je à mon interlocuteur... Cependant, si ma mémoire est fidèle, Talaat pacha est un deunmeh et Djavid pacha dirigea une de vos écoles. Or, Talaat et Djavid ne sont pas précisément nos amis.

— Ils auraient pu l’être si... mais laissons la politique, la mauvaise politique ! Nous ne sommes plus Ottomans ; nous sommes sujets grecs. Est-ce de notre faute, si la France et l’Angleterre n’ont pas su lutter contre l’influence allemande à Constantinople, si la révolution turque a évolué dans le sens de la tyrannie, si, en ce moment, l’incurable naïveté de vos diplomates fait le jeu de vos ennemis, dans le Levant !... Oui, laissons la politique ! Il faudrait dire trop de choses et des choses trop tristes... Nous sommes musulmans et sujets grecs et nous aimons la France...