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Leconte de Lisle, dans la série d’études qu’il fit paraître au Nain jaune sur les poètes contemporains, lui reconnaissait pour « fonction supérieure, de sonner victorieusement dans un clairon d’or les fanfares éclatantes de l’âme humaine... » « Esprit très mâle, dit-il encore, force vivante et volontaire... poète viril. » Emile Montégut [1] trouvait en Hugo « une des volontés les plus indomptables qui se soient rencontrées dans le monde poétique... Il est le maître de tout ce qui est accablant : les spectacles effrayans et sublimes, l’orage, la mort, sont ceux que son imagination préfère. » Il a des images, dit M. Ernest Dupuy [2], « qui sonnent comme des clairons de combat. » Et, parlant de l’Art d’être grand-père : « Le poète ne recherche plus les effets de vigueur. Il a laissé l’épée, le harnais, le cheval de combat. » Nature mâle et virile, tempérament combatif, passionné de lutte et d’action, génie volontaire jusqu’à la « tension continue, » dit encore Charles Renouvier, jusqu’à forcer l’invisible à se faire visible :


Par la fixité calme et profonde des yeux,


si ces caractéristiques ne sauraient viser à embrasser dans sa totalité son œuvre immense, elles sont du moins de nature à en souligner la valeur d’actualité, que je voudrais préciser et dégager dans les pages suivantes.


Et d’abord il est, et il est fier d’être, le fils d’un soldat :


Étant petit, j’ai vu quelqu’un de grand, mon père.
Je m’en souviens : c’était un soldat ; rien de plus.


Il s’est plu à le rappeler en maint passage de ses œuvres, dans les Odes et Ballades, dans les Feuilles d’automne comme dans les Rayons et les Ombres. Et c’est à ce père qu’il a dédié en ces termes les Voix intérieures : « A Joseph-Léopold-Sigisbert comte Hugo, lieutenant général des armées du Roi. Non inscrit sur l’Arc de l’Etoile. Son fils respectueux. » Sa famille d’ailleurs était « toute militaire. » Si son père s’engagea comme volontaire à quatorze ans, ses quatre oncles allèrent comme lui

  1. Mélanges critiques, 1859.
  2. Victor Hugo. L’homme et le poète.