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anglaises, s’étendait désormais à toutes les mers européennes, sauf à la Baltique, à la Méditerranée orientale et à la partie de l’Atlantique qui s’élève le long des fjords de Norvège. Encore, un peu plus tard, et pour bien bloquer la Russie, les Allemands faisaient-ils rentrer dans la zone interdite les eaux de cet Océan qui tangentent la calotte glaciaire de la région arctique.

Tout au plus, pour donner un semblant de satisfaction aux intérêts, disons mieux aux besoins pressans de certains neutres, d’étroits couloirs étaient-ils ménagés dans la zone dangereuse, sans que l’on se préoccupât d’ailleurs le moins du monde de l’impossibilité matérielle où se trouveraient les « cargos » à vapeur de rester dans ces limites, dès qu’il y aurait un peu de brume et les voiliers de ne les point franchir pour louvoyer, si le vent se faisait contraire.

Quant aux pénalités prévues, — et appliquées, — à l’égard des contrevenans, c’est fort simple : toujours le torpillage ou la canonnade sans avis préalable ; toujours les canots abandonnés en plein Océan, fusillés quelquefois ; toujours la destruction, la mort...

Et tout cela sans distinction de nationalité, de destination, de type, de chargement : belligérans ou neutres, paquebots à passagers ou transports-hôpitaux, « cargos » à marchandises ou simples pêcheurs.

Jamais on ne fit régner sur les eaux pareille terreur !...

Reconnaissons-le, la recherche systématique et passionnée de l’intimidation, qui marque d’un trait si net les procédés de guerre actuels de l’Allemagne, semble, cette fois, avoir abouti à un résultat, du moins chez les neutres. Les « routiers de la mer, » norvégiens, hollandais, danois ne naviguent pour ainsi dire plus, tant leurs pertes, en quelques semaines, leur ont paru exorbitantes et hors de proportion avec des bénéfices qui, pourtant, atteignaient des taux extraordinaires.

Or les Alliés, pris dans l’ensemble, les Anglais en tout cas, avaient besoin du tonnage fourni par ces marines du Nord pour donner à leur mouvement commercial l’aisance et l’élasticité indispensables dans les circonstances critiques de l’état de guerre. On peut dire, — pour ne parler que de ce qui s’est passé et se passe encore chez nous, — que c’est à l’arrêt de la navigation des « cargos » norvégiens qu’est due en grande