Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/670

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voies que celles de la violence. Mais comme on prétend savoir coudre la peau du renard à celle du tigre, comme on est, au demeurant, pressé par le besoin, que déjà souffle dans les masses populaires le vent de la révolte, on entreprend de négocier avec les neutres — et qui sait ? peut-être même, sous leur couvert, avec les belligérans, si paradoxal que cela paraisse… On essaie de persuader ces neutres de reprendre la mer, pourvu que ce soit dans l’intérêt de l’Allemagne et l’on se montre prêt à de surprenantes tolérances. On fermera les yeux, par exemple, sur l’expédition des produits agricoles du Danemark en Grande-Bretagne, si le petit royaume consent à livrer largement son bétail sur pied ou ses viandes abattues ; et quelles concessions ne fera-t-on pas à la Norvège, si elle veut bien envoyer ses pyrites, dont on est pressé de tirer l’acide sulfurique indispensable aux fabrications de guerre !

Les anciens fournisseurs bénévoles de l’Allemagne, devenus aujourd’hui récalcitrans, se sont-ils laissé convaincre ? Il n’est pas toujours aisé de le savoir. Il semble que oui, cependant ; mais ce qui est certain, c’est que, soit par des malentendus que l’on peut mettre à la charge des commandans de sous-marins insuffisamment renseignés, soit que les limites imposées aux tolérances aient été dépassées systématiquement par les transporteurs, les torpillages ont recommencé de plus belle contre les « cargos » Scandinaves. Il y a quelques jours — j’écris au milieu de mai — on annonçait que 14 navires danois avaient été coulés dans une seule semaine et que les Norvégiens renonçaient décidément à faire sortir le peu qu’il leur reste de bateaux d’autant mieux que les matériaux nécessaires à la construction ne leur arrivent plus ou que. si l’on peut s’en procurer encore, c’est à des prix exorbitans.

Ainsi, en résumé, le blocus allemand par les sous-marins se montre incontestablement efficace, doublement efficace même, d’abord parce que les destructions de navires alliés dépassent les récupérations, ensuite parce que les neutres s’abstiennent de naviguer. Il est donc clair que si les choses ne changeaient pas ou si notre blocus contre l’Allemagne n’était pas plus efficace encore et plus rapidement efficace, nous serions acculés dans quelques mois à la nécessité de conclure la paix boiteuse qu’il nous faut éviter à tout prix, tout homme clairvoyant le reconnaît.