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Pourrions-nous, d’ailleurs, les pousser dans leurs derniers retranchemens sans les violenter, ce qui est contraire à nos principes ? Enfin ne sait-on pas qu’à une statistique donnée on en peut toujours opposer une autre et qu’on fait dire aux chiffres tout ce que l’on veut ?...

Mais passons sur le contingentement. Après tout, ce système a donné déjà quelques résultats, comme l’a montré M. le sous-secrétaire d’Etat, et on en peut tirer de plus marqués encore, si l’on s’attache à vaincre, par une fermeté inflexible, les difficultés dont je viens de parler.

La « politique d’achats, » fort intéressante, certes, et ingénieux moyen d’action, se heurte à des obstacles différens mais qu’il n’est point, non plus, aisé de surmonter.

C’est très bien, sans doute, d’avoir, en achetant 400 000 tonnes de pyrites en Norvège, privé l’Allemagne de produits chimiques qui sont indispensables à ses industries de guerre et fort utiles à son agriculture. Et il n’est pas sans intérêt d’observer que, pour « persuader » les Norvégiens de se prêter à nos desseins, il a fallu les menacer de leur « couper le charbon et le cuivre, » ce qui semble prouver justement l’efficacité de l’attitude énergique [1] ; mais que d’autres moyens à la disposition de l’Allemagne pour tirer des neutres les matières dont elle manque totalement ou celles qui lui permettent de réserver exclusivement pour les industries de guerre les substances qu’elle ne produit qu’en insuffisante quantité !

« Si les légumes sont si rares et si chers en Hollande, dit le journal socialiste hollandais Hetwolk, c’est que l’Allemagne affamée, mais pleine d’or, les achète à tout prix et qu’elle a la permission de les accaparer... » Suivent des accusations contre le Cabinet de La Haye qu’il est inutile de reproduire. Posons, en revanche, cette simple question : pourrions-nous, le cas échéant, surenchérir ? Pourrions-jeter l’or à pleines mains sur le marché hollandais pour détourner de l’Allemagne ces

  1. M. Denys Cochin, en rapportant le fait, ajoute ceci qui est bien significatif comme indication de « mentalité. » Sir Edward Carson a dit, à ce sujet, à la Chambre des Communes : « Prenons garde ! Il est évident que nous n’avons pas un blocus complet, mais un blocus partiel ; et si nous voulions violenter les neutres, nous nous mettrions en guerre avec eux. » Il s’agit de savoir ce que l’on appelle violenter. Je remarque seulement qu’à l’égard de la Norvège justement, l’Allemagne a usé, l’automne dernier, de véritables violences pour faire rapporter l’édit du 13 octobre 1916.