Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/675

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

légumes — puisque légumes il y a et que c’est fort important — et en faire bénéficier les Alliés ? J’en doute, même en tablant sur les subsides américains. Et puis ce sont denrées périssables, qu’il faut « enlever » et exporter tout de suite, par voyages continus. Oui, mais encore un coup, les sous-marins sont là, aux aguets, sans parler des grands torpilleurs de Zeebrügge... Voilà donc notre politique d’achats paralysée.


« Soit ! vont me dire mes lecteurs. Tout cela est assez juste, encore qu’un peu poussé au noir. Mais tout cela va s’arranger. Les Etats-Unis [1], bien résolus à en finir avec l’Allemagne, les Etats-Unis qui connaissent le prix du temps et la valeur des décisions fortes, vont mettre les neutres du Nord en demeure de choisir entre le désagrément de fermer leurs portes du côté de l’Allemagne et le danger de se voir couper les vivres, — le blé en tête, — qui leur vient d’Amérique. L’alternative est cruelle, si cruelle (car que dira, que fera l’Allemagne !...) que, tout de suite, des négociations ont été entreprise par les neutres avec la grande république et qu’avant même que le Congrès ait été saisi officiellement de l’affaire, on en discute les termes avec le gouvernement de Washington.

Que résultera-t-il de tout cela ? Les Américains se montreront-ils inflexibles ? Iront-ils jusqu’à exiger que ce soient les « cargos » des neutres qui aillent chercher au delà de l’Atlantique — et en grand danger de traverser la zone interdite [2] — les denrées et matières indispensables à leur existence, ce qui compliquera singulièrement la difficulté, mais ce qui, après tout, semble fort logique ?

Nous n’en savons rien encore. Certainement M. Wilson et le Congrès feront quelque chose dans ce sens ; mais des considérations

  1. Le New-York Times a publié au milieu de mai des chiffres intéressans au sujet des majorations considérables qu’ont subies, en 1915 et 1916, les importations de vivres, denrées, matières premières provenant d’Amérique dans les pays scandinaves, en Suisse et en Hollande. Je ne puis donner ici le détail de ces chiffres. Bornons-nous à en citer les principaux : en Norvège, les importations des États-Unis passent de 8,3 millions de dollars en 1913 à 66,2 millions en 1916. En Danemark, de 18 millions à 36. En Suède, de 12 millions à 49.
  2. Le tracé de cette zone, dans la mer du Nord, est particulièrement compliqué. En fait. Hollandais, Danois, Suédois et Norvégiens du Sud ne peuvent sortir de cette mer sans passer par un étroit défilé, entre l’ilot d’Utsiré et la côte ferme de Karmö, département de Stavanger. Au point de vue nautique, ce n’est pas toujours possible.