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Il y a dans sa Licenza des chapitres entiers, — par où j’entends des suites de vingt, de quarante pages, — qui ne sont qu’un simple jeu d’images et de rythmes, beaucoup plus pareils à une Sonate d’un Domenico Scarlatti ou d’un Claude Debussy, qu’à n’importe quel chapitre d’un prosateur, ou même d’un poète de chez nous [1]. »

Que de fois ailleurs la musique seule, la pure musique, et des plus grands musiciens, ne trouva-t-elle pas, en notre confrère, le mieux informé, le plus sage des juges ! L’auteur de Beethoven et Wagner [2] a parlé jadis éloquemment des deux maîtres : témoignant au premier une admiration toujours égale ; à l’autre, qu’il avait idolâtré d’abord, une ferveur attiédie par les années [3]. Mais c’est peut-être à Mozart que sa piété croissante réserva jusqu’à la fin « et le premier amour et les premiers honneurs. » Secondé par un collaborateur digne de lui, Wyzewa choisit Mozart, le jeune Mozart, pour le sujet ou plutôt le héros charmant, et jusque là mal connu, de son œuvre maîtresse d’historien et de critique [4]. Enfin, depuis deux ou trois ans, il avait en quelque sorte voué toute sa pensée, toute sa passion musicale à la révélation et à la réhabilitation de « ce puissant et singulier Muzio Clementi, » comme il l’appelait un jour, ou comme il nous écrivait aussi, « d’un admirable et infortuné maître, le plus grand à coup sûr entre les grands méconnus. »

Encore, si Clementi n’eût été méconnu que par de médiocres connaisseurs. On peut déjà s’étonner de ne lire dans un dictionnaire de musique, — allemand, s’il vous plaît, — avec une mention, flatteuse d’ailleurs, du célèbre Gradus ad Parnassum, que ces lignes insuffisantes : « A côté d’études de mécanique sur la construction du piano, Clementi trouva le temps d’écrire toute une série d’œuvres importantes pour le piano et de former des élèves qui devinrent célèbres (J. B. Cramer et John Field) [5]. » Plus singulière, et plus grave, est l’erreur d’un Saint-Saëns, assurant que « Cramer, Clementi, auteurs

  1. Voyez, dans la Revue du 25 mars 1917 : « Les « Impressions de guerre » de M. d’Annunzio. »
  2. 1 vol. Perrin, 1898.
  3. Sur les connaissances et les préférences musicales de Wyzewa. sur le dernier état de son goût et en particulier sur son culte pour Clementi, nos lecteurs consulteront avec autant de plaisir que de profit le dernier livre, à demi romanesque, auto-biographique à demi, de notre confrère : Le cahier rouge, ou les deux conversions d’Etienne Brichet ; Perrin, 1917.
  4. W. A. Mozart. Sa vie musicale et son œuvre de l’enfance à la pleine maturité, par.MM. T. de Wyzewa et G. de Saint-Foix. t. I et II. Paris, Perrin et Cie ; 1912.
  5. Dictionnaire de Riemann.