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Mozart, ne réussit point à l’en relever. Lorsque, plus tard, les biographes de Beethoven, Schindler entre autres, attestèrent que l’auteur des neuf symphonies « avait toujours fait profession d’admirer non pas seulement l’excellence technique, mais aussi l’inspiration foncière et l’émouvante beauté poétique de l’œuvre du « mechanicus » et du « charlatan » flétri par Mozart, on ne voulut voir dans cet hommage qu’une boutade paradoxale échappée à l’humeur excentrique et contrariante d’un maître, enclin, disait-on, à renverser les « valeurs » consacrées. Ainsi l’arrêt de Beethoven lui-même ne prévalut point contre le jugement de Mozart. Enfin, avec Wyzewa toujours, il est juste, — et plus juste aujourd’hui que jamais, — de signaler comme une raison dernière, et non la moindre, de l’inique et longue disgrâce, l’égoïsme et l’orgueil allemand. « Car c’est une chose certaine que, depuis un siècle bientôt, l’Europe entière a quasiment confié aux seules mains de l’Allemagne le tableau du développement de la musique entre les débuts de Mozart et l’avènement du romantisme. Sur quoi il est arrivé que les historiens et critiques allemands, convaincus de l’impossibilité pour un maître étranger d’égaler désormais leurs musiciens nationaux, ont trouvé tout naturel » d’éliminer du tableau, craignant qu’il ne leur y fit ombrage, l’œuvre et le génie du dernier des grands Romains.

C’est à Rome en effet qu’il naquit, en 1752 ; quatre ans avant Mozart, dix-huit ans avant Beethoven. Par rapport à ce dernier surtout, l’avance est à remarquer et à retenir. Le père de Clementi, modeste orfèvre d’église, ayant reconnu de bonne heure le goût et les dispositions musicales de son fils, se hâta de le confier aux meilleurs maîtres d’alors. Ceux-ci n’eurent pas de peine à faire d’un élève aussi bien doué, non seulement un organiste, un pianiste, mais un musicien accompli. Il avait quatorze ans, lorsqu’un riche Anglais, enragé de musique et se trouvant à Rome, sir Peter Beckford, entendit le jeune virtuose. Le dilettante résolut aussitôt d’ « acheter, » (c’est le terme qu’il employa) l’enfant merveilleux à son père. Il l’acheta en effet, pour sept ans, l’emmena sans retard en Angleterre, et pendant le septennat convenu, dans son château du comté de Dorset, il le retint à son service. Pour le maître, ou « le patron, » et pour le serviteur, pour l’agrément de l’un et pour les talens de l’autre, ce long service ne fut pas perdu. La musique de l’époque, et la meilleure, passa tout entière sous les yeux et les doigts de l’adolescent. Fidèle à ses études romaines, il sut, par la seule force de son génie, les poursuivre, les étendre même jusqu’à l’ordre littéraire et scientifique, et si loin, que