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plus d’une fois il faillit, dit-on, abandonner la musique pour l’astronomie.

Vers 1773, à vingt et un ans, et son contrat de vente expiré, Clementi vint se fixer à Londres. Il y remporta de grands succès de virtuose. Il y remplit aussi les fonctions d’accompagnateur à l’Opéra de Haymarket, afin de se familiariser avec la musique de théâtre. Mais c’est à Paris, pendant un peu plus d’une année (été de 1780 — automne de 1781), qu’il commence vraiment sa carrière de compositeur. Il la continue à Vienne, où le salon de l’Empereur est témoin du fameux concours avec Mozart. De Vienne, Clementi regagne Londres, par le chemin des écoliers, des amoureux surtout : par Lyon, où donnant concerts et leçons, il s’éprend d’une de ses élèves, Marie-Françoise-Victoire Imbert-Colomés, fille d’un banquier de la ville. Le souvenir de cette jeune personne le suit à Londres et bientôt l’en ramène, non plus à Lyon cette fois, mais à Chambéry, où sa chère Victoire vient le rejoindre. Tout est prêt pour leur union, mais, sur la plainte du père de la fugitive, un arrêt du gouverneur de Chambéry sépare les fiancés et les renvoie dos à dos, elle, dans sa famille, et lui, sous peine de prison, hors de France. Il se réfugie en Suisse, à Berne, où, de désespoir, il est près de renoncer à la musique. Elle le ressaisit pourtant et, pour honorer du moins l’amour dont elle triomphe, elle s’en inspire dans un recueil de sonates qui portent le nom de l’aimée.

Vers la fin de 1784, Clementi revient s’établir en Angleterre. Un changement profond s’opère en son génie. Le grand, l’illustre pianiste se dégoûte littéralement du piano. A peine écrira-t-il encore, et comme en passant, quelque recueil de sonates pour l’instrument dont il a, plus que personne, créé le style ou le langage nouveau. En dehors de ces retours passagers, sa pensée et son cœur n’appartiennent plus désormais qu’à la symphonie. « Pendant dix ans, de 1786 à 1796, les programmes des concerts publics de Londres annonceront, chaque année, une ou deux Nouvelles Ouvertures écrites pour l’orchestre par l’ex-virtuose, qui d’ailleurs aura presque absolument renoncé à se faire entendre comme pianiste... » Rendant compte d’une nouvelle séance de la Société de concerts fondée et dirigée à Londres par le violoniste Salomon, — celle-là même pour laquelle, naguère, Joseph Haydn avait composé ses douze dernières symphonies, — le Morning Chronicle du 3 avril 1796 écrivait :

« Une grande symphonie de Clementi, composée l’année passée pour les concerts de l’Opéra, a été exécutée avec diverses modifications et a produit l’effet le plus captivant. Le second mouvement a été