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avant Beethoven, la gloire, pour lui, n’est pas petite, ni médiocre la surprise pour nous. En outre, que ce précurseur irrécusable maître entre tous les maîtres allemands soit un musicien d’Italie, cela paraîtra peut-être, en même temps qu’une atteinte heureuse et trop longtemps ignorée, à l’orgueil germanique, un surcroît d’honneur, aussi précieux qu’inattendu, pour le génie latin. Aussi bien il serait juste, équitable et salutaire, que l’histoire musicale, revenue de certains égaremens, reconnût un jour l’influence du génie d’outre-monts dans la formation du génie d’outre-Rhin, que celui-ci, d’ailleurs soit représenté par un Bach ou par un Haendel, par un Mozart, ou même, on le voit aujourd’hui, par un Beethoven. Ainsi Wyzewa mourant a fait œuvre de réparation et de légitime revanche. À nos ennemis, qui n’y avaient nul droit, mais qui, par leur silence au moins, ne cessaient d’y prétendre, il a repris une part usurpée d’idéal et de beauté.

De noble, de pure beauté, et de beauté classique. Celle-ci décidément est la plus belle. On le savait bien, mais on le sait et surtout on le sent mieux encore, lorsque, de cette beauté, qu’on croyait connaître toute, on vient à découvrir, comme c’est ici le cas, des formes ignorées, des chefs-d’œuvre inédits, qui, tout en la reproduisant, en la confirmant, la renouvellent. Elle a sur nous, cette beauté-là, des droits inviolables, et, contre sa gloire ancienne, il n’est pas de jeune renommée, fût-ce la plus éclatante, qui puisse à jamais prévaloir. Dans l’admiration qu’elle nous inspire, dans la joie qu’elle nous cause, il entre de l’assurance et de la certitude. Comme celles d’un Mozart ou d’un Beethoven, les sonates d’un Clementi n’ont plus à redouter l’avenir. Elles comptent parmi les œuvres musicales qui portent le signe, qui rendent le son, non seulement d’un moment ou d’un siècle, mais de toujours. Sub sperie æternitatis. L’art classique, seul, a le privilège de nous apparaître sous cet aspect. En lui seul nous reconnaissons. nous honorons le témoin, le gardien fidèle des principes immuables et des commandemens qui ne seront point abolis. En l’an 1780, Clementi publia pour la première fois un Recueil de « Trois sonates pour le Forte-piano, ou le Clavecin, suivies de Trois Fugues ; op. 5, à Paris, chez l’éditeur de musique Bailleux, rue Saint Honoré, près celle de la Lingerie, A la Règle d’Or. » Heureuse, admirable enseigne en vérité, devise et symbole de la musique annoncée et de toute celle qui lui ressemble. C’est celle-là qu’en vieillissant on aime chaque jour davantage et qu’on aimera la dernière. Il est un temps, a dit Lacordaire, « où nos