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droite. On presse le pas : une mitrailleuse du 401e protège le défilé en tirant sur la crête du bois Fumin. Le terrain est mauvais, défoncé, glissant, boueux. Favre se fait une entorse et doit rester en arrière. Aussitôt, il a les deux majors allemands à ses pieds qui le palpent, le frottent, le massent et multiplient leurs services. Appuyé sur cette singulière garde d’honneur, il parvient à rejoindre sa compagnie, mais il doit céder le commandement au sous-lieutenant Place...

A droite de la compagnie Favre, les 22e et 21e compagnies s’étaient heurtées, le 24 octobre vers deux heures de l’après-midi, aux défenses de la tranchée de Gotha. L’ennemi retranché, payant d’audace, sort de l’ouvrage avec ses mitrailleuses. Le sous-lieutenant Hugonnenq, fils du doyen de la Faculté de médecine de Lyon, officier remarquable et d’un courage éprouvé, est tué ; son camarade, le sous-lieutenant Favrichon, blessé. Mais, aidés par la demi-section du sergent Brochier, ils ont eu le temps de jeter leurs sections sur l’ennemi qui se replie. Le brouillard se dissipe, les avions volent au-dessus du fort : sans savoir encore les nouvelles, par ces mystérieuses affinités qui traversent les airs comme des oiseaux migrateurs, les hommes ont la sensation de la victoire. Cependant les mitrailleuses allemandes les empêchent de progresser au delà de ce premier bond. La nuit les surprend quand la lutte n’est pas finie et quand la ligne demeure incertaine. Les officiers cherchent à réparer cette confusion. « On n’entendait pas un bruit, a écrit le capitaine Fonbonne, commandant la 21e compagnie ; seulement retentissaient par instans les appels de trompette lancés par une fraction allemande que nous encerclions sur le Nez de Souville et qui tentait ainsi de faire savoir qu’elle résistait encore. » Ces mélanges ne sont pas rares au soir d’une attaque. La mort du sous-lieutenant Philippe va être causée par un retour offensif de l’ennemi à l’intérieur même de nos lignes. Le sous-lieutenant Philippe veillait sur ses hommes qui remuaient la terre pour creuser une tranchée. Il allait de long en large, la pipe à la bouche, la canne sous le bras. Soudain il entend des pas derrière lui : est-ce un renfort, ou une relève ? Sans méfiance il se retourne, il aperçoit des ombres. L’une d’elles s’avance et prononce ces paroles étranges en un français parfait : « Nous venons nous rendre. Où est l’officier ? — C’est moi, » dit Philippe s’avançant et couvrant ses hommes. « Un