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toute la ligne qui sépare ces deux points entrent en action. Maudites mitrailleuses qui déjà firent échouer l’assaut du 8 juin, échapperont-elles donc toujours au tir de notre artillerie ? Sur le fort martelé, comment demeurent-elles intactes ? Trouvent-elles des abris dans le bouleversement même de la superstructure ? Ordre est donné aux compagnies de stopper.

Mais les 21e et 22e sont déjà parties et ne peuvent être rappelées. Elles arrivent aux abords immédiats du fort. Elles vont reconnaître le dangereux Sphinx, le regarder face à face, lui arracher son secret. A l’un des derniers bonds qui doivent l’amener au fort, le sous-lieutenant Doutre, qui commande la 22e, reçoit une balle en plein front : c’est le dernier officier de la compagnie qui tombe. A côté de lui se tient l’aspirant Néris. Le voyant tomber, il se tourne vers ses hommes, — car tous deux étaient devant, — et crie : « A mon commandement la 22e ! » Sous le tir qui les arrose, tant de face que de flanquement, une trentaine d’hommes parviennent aux fossés, se blottissent dans les trous d’obus. L’aspirant Néris, trois sergens et cinq grenadiers, se traînant, avancent encore et tentent d’aveugler les fatales mitrailleuses à coups de grenades. Néris est blessé à la tête. Deux hommes, enfin, atteignent la superstructure. Ils sont sur le fort. Ils ont dépassé l’exploit des marsouins de Douaumont. Dans la tempête ils posent le pied sur le monstre. Ils seront les premiers vainqueurs de Vaux. Et ils n’en sont pas revenus.

Les premières vagues de la 15e compagnie ont pu se glisser dans la direction du saillant Sud, cherchant à encercler le fort par l’Est. Mais elles sont prises à partie par les batteries ennemies de la Woëvre et subissent de lourdes pertes. La 2e section arrive jusqu’au fort avec des élémens de la 13e et de la 14e compagnie. Elle jette des grenades à l’entrée des casemates qui lui font face. Les mitrailleuses ennemies crachent la mitraille sans discontinuer. L’angle Ouest du fort en est garni. Impossible d’aller plus loin. Pourtant, quelques hommes se hissent sur le fort au-dessus du fossé. Le sous-lieutenant Morgana y mène une partie de sa section. Ils ne peuvent s’y maintenir et redescendent. Les audacieux qui se sont avancés jusque là, qui ont exécuté leur mission avec cette folie d’ardeur et de sacrifice, n’ont plus que l’abri précaire de quelques trous d’obus où ils attendront, immobiles, de nouveaux ordres. Si