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Ils doivent partir des Carrières où ils ont été massés. Les Carrières sont à cinq cents mètres du fort. Le 6e bataillon a pour objectif le saillant Ouest, tandis que le 4e essaiera de contourner le fort par l’Est. Dans quel état est le fort à la suite du bombardement de la matinée ? L’ennemi est-il désemparé et tremblant dans ses casemates et ses abris ? A-t-il subi le contre-coup de la défaite de Douaumont ? Laissera-t-il approcher l’assaillant et ne lui opposera-t-il qu’une résistance molle et sans conviction ? Dans les Carrières où les troupes attendent l’heure, les chefs tâchent à s’en rendre compte. Le chemin sera malaisé à parcourir : pas un coin de sol intact, partout des trous d’obus, des fondrières, des souches arrachées, et la pluie a détrempé tout ce chaos. Nul paysage plus désolé, plus meurtri, plus funèbre. Hardaumont le domine et le bat de ses feux. Le fort vomit de la fumée comme un cratère de volcan. Au mois de juin, quand le commandement croyait encore pouvoir délivrer le commandant Raynal luttant désespérément dans sa cave avec une troupe de héros, la brigade mixte, mise sous les ordres du colonel Savy et composée du 2e régiment de zouaves et du régiment colonial du Maroc, parvint à déborder le fort sur les côtés, atteignit les fossés. Elle dut battre en retraite devant les mitrailleuses qui occupaient la superstructure. Le 216e sera-t-il plus heureux cette fois ? Il est neuf heures et demie ; un obus tombe dans la Carrière sur le groupe des officiers de la 22e compagnie, quatre sur cinq sont atteints dont le lieutenant Brugel qui la commandait. Le cinquième, le sous-lieutenant Doutre, prend le commandement. L’artillerie ennemie fait rage. Les officiers, les hommes attendent. Ils n’ont pas de doute sur les difficultés de l’opération : Vaux, décidément, est un repaire tragique. Ils sont prêts, ils iront.

A dix heures précises, les deux bataillons s’ébranlent. Dans chaque compagnie, deux sections d’assaut, accolées, forment deux vagues, et deux sections de renfort deux autres vagues. Le commandant est au centre du dispositif, à hauteur de la troisième. La progression se fait par bonds successifs et courts. A gauche, le bataillon de Varax traverse sans trop d’encombre un premier tir de barrage, va s’appuyer à la route. Mais les mitrailleuses placées aux saillans Ouest et Sud du fort et sur