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impérial fût représenté aux fêtes du mariage. Son ministre en Danemark, von Heydebrand, venait d’être nommé en la même qualité à Stuttgart et le baron de Magnus appelé à le remplacer ; mais il n’avait pas encore quitté Copenhague et y attendait l’arrivée de son successeur. A l’improviste, il reçut l’ordre de rejoindre sans retard son nouveau poste, et le baron de Magnus se vit accorder un congé temporaire qu’il n’avait pas sollicité. Une circonstance particulière semblait rendre toute naturelle la décision du chancelier : Heydebrand étant doyen du corps diplomatique eût été appelé à ce titre à adresser, au nom de ses collègues et en son nom, des félicitations aux nouveaux mariés ; était-ce possible, quand l’un d’eux était en révolte contre son souverain et refusait de le reconnaître ? La cour de Danemark ne se serait donc pas inquiétée, si la mesure eût été entourée de quelque courtoisie et si tout s’était borné au rappel de Heydebrand ; mais le secrétaire et le personnel de la légation furent rappelés momentanément, et leur départ fut interprété comme une preuve de la colère du prince de Bismarck. Le ministère danois cependant ne s’en émut pas outre mesure, convaincu qu’aussitôt après les fêtes du mariage et la disparition des jeunes époux, le nuage se dissiperait et qu’il ne resterait aucune trace de ce malaise accidentel. Pour y mettre plus rapidement fin, il conseilla au Roi de hâter les noces. Il avait été décidé qu’elles auraient lieu au mois de janvier ; la date en fut fixée au 20 décembre. Le nouveau ménage partirait quinze jours plus tard et jusque là resterait au château de Fredensborg près d’Elseneur. Ces décisions prises, on se rassura et les membres du gouvernement danois affectèrent d’être sans inquiétude. Ils comptaient que le ministre d’Allemagne reviendrait prendre possession de son poste dès que le duc de Cumberland aurait quitté le territoire danois.

« C’est lui, déclaraient-ils, et non le Danemark qu’ont visé les procédés discourtois du prince de Bismarck. Quand le duc ne sera plus là, la colère du chancelier tombera. »

C’était probable en effet. Mais quand on prophétisait ce dénouement comme prochain, on ne prévoyait pas un autre incident qui allait se produire et, dénaturé à dessein par Bismarck, brouiller de nouveau les cartes en excitant, cette fois, non seulement l’irritation du chancelier, mais encore celle de l’Empereur, et de son fils.