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l’âge venu pour l’un et pour l’autre, elle affectait d’avoir perdu le souvenir de ce passé déjà lointain. Elle restait passionnément dévouée à son compagnon, et c’est en lui déconseillant autant qu’elle le pouvait les mesures extrêmes, qu’elle exerçait son dévouement, allant jusqu’à conspirer dans ce dessein avec la princesse impériale, surtout lorsqu’il s’agissait d’entraver en certains cas, l’action gouvernementale de Bismarck que les deux femmes et le kronprinz Frédéric, fils de l’une et mari de l’autre, considéraient comme contraire aux intérêts de l’Empire.

A une date relativement récente, j’ai rappelé ici ces intrigues de palais et je n’y reviens que pour en retenir qu’elles ont suggéré au chancelier dans ses confidences à Moritz Busch des paroles singulièrement acrimonieuses contre l’Impératrice et contre « l’Anglaise. » Mais il est également vrai qu’aussi bien pendant la crise germano-danoise qu’au cours des protestations du duc de Brunswick, il a évité de se découvrir. C’est à peine s’il se laisse voir, et il est difficile encore aujourd’hui de préciser s’il a donné son approbation à la politique de l’Empereur où s’il l’a refusée. Au surplus, quelle qu’ait été son attitude, elle n’a pas empêché les événemens de suivre la voie que Guillaume Ier souhaitait leur voir prendre. En ce qui touche le Danemark, ils l’ont prise si rapidement qu’à l’automne de 1879, moins d’un an après le mariage de la princesse Thyra, le roi Christian, cédant aux conseils du baron de Magnus, ministre d’Allemagne à Copenhague, s’engageait à se rendre à Berlin avec la Reine pour présenter ses hommages à l’Empereur.

Il était alors en Europe le seul souverain qui ne se fût pas prêté à cette démarche, et cette attitude d’un vaincu condamné par sa faiblesse à renoncer à toute pensée de revanche n’était pas sans dignité, ni sans inspirer le respect. Mais ce n’était plus assez de s’être gardé de tout abaissement comme de toute bravade, l’heure était venue où l’intérêt du royaume commandait un changement de système, non seulement l’intérêt du royaume, mais encore celui de la famille royale, surtout après la crise de l’année précédente. Il était nécessaire que le gouvernement danois ne fût plus exposé aux périls qu’il avait alors courus, et cela ne se pouvait qu’en prouvant à l’Empereur que le roi Christian avait abdiqué tout ressentiment et s’était résigné sans arrière-pensée, et en toute sincérité.

D’autre part, l’assistance de l’Allemagne lui était devenue