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s’était pas déclarée, et Bismarck n’avait pas encore mis la main sur lui.

Le mariage qui allait lui créer de nouveaux devoirs avait été préparé de longue main par la princesse impériale à l’instigation de sa mère, la reine Victoria. On racontait qu’elle l’avait imposé à son mari dont elle s’était servie, ainsi que de l’impératrice Augusta, pour vaincre la résistance de l’Empereur. Le chancelier n’y avait fait aucune objection. Il lui suffisait que l’Allemagne destinée déjà à avoir un jour pour impératrice une Anglaise, ne fût pas exposée à subir deux fois de suite « le même danger. » Quant au prince d’Augustenbourg, la perspective de l’avenir magnifique et inespéré qui s’offrait à sa fille aînée avait eu raison de ses vieux ressentimens. Sa rancune se dissipait, on le revit à Berlin, transformé, reconcilié, et ce fut là sans doute le motif qui détermina l’Empereur à consentir à une union bien au-dessous de celles auxquelles pouvait prétendre la famille impériale. Du reste, la reine Victoria avait appelé à Windsor son petit-fils, et les initiés racontaient qu’après avoir passé quinze jours chez sa grand’mère auprès de la jeune fille qu’on lui destinait, le prince Guillaume était rentré à Berlin « très amoureux. »

La princesse ne tarda pas à y venir avec sa famille et, le 2 février 1880, les fiançailles étaient célébrées à Potsdam, au château de Babelsberg, dans l’intimité, et annoncées aussitôt officiellement par le ministre de la maison aux convives du grand diner donné par l’Empereur pour fêter cet événement.

« Un instant après, raconte Hohenlohe dans ses Mémoires, les souverains paraissaient. L’Empereur conduisait la fiancée fraîche et gracieuse et lui fit faire le tour des dignitaires. La fiancée fit la meilleure impression. Le Kronprinz se plaignit à moi du peu de faveur que ces fiançailles avaient rencontrée auprès des autres princes et princesses de Prusse. »

Ce n’est pas seulement par eux qu’elles étaient accueillies et commentées sans bienveillance. Les journaux objectaient aigrement que cette alliance ne faisait pas honneur à la Prusse. La famille de la fiancée était obscure, sans illustration d’aucune sorte ; elle avait même des parens très modestes, et notamment un médecin de Kiel. C’était une dynastie déchue, oubliée, n’avant jamais manifesté qu’antipathie à l’Empire. Ces critiques eurent d’abord pour effet de rendre le mariage impopulaire,