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« D’abord, nous annonce Mme D… vous pouvez écrire pour rassurer vos mères. Le commandant m’a promis d’envoyer la lettre. Il vous fera parvenir la réponse. Quant à la visite du major, Yvonne, vous pouvez être tranquille, ainsi que vos amies qui ne l’ont pas passée. Le commandant a dit qu’il parlerait au major, qu’on vous en exempterait. Il a ajouté qu’il était très étonné de la façon dont s’était conduit le major qui est, a-t-il dit, « un jeune homme très bien élevé… » Et puis, cet après-midi, vous ne travaillerez pas. J’ai fait remarquer au commandant qu’à ce jeu, dans huit jours, vous n’auriez plus de chaussures. Il est convenu que vous ne travaillerez que le matin,. »

L’après-midi se passe à composer la lettre collective. Yvonne X… l’écrit, va la porter à Mme D… la lui lit. Il est entendu que les jeunes filles iront la remettre elles-mêmes, le lendemain, à la Kommandantur.

Mais, le lendemain, le commandant est absent et le surlendemain, de même. Les captives se désolent de ces retards.

Enfin, l’après-midi du troisième jour, le commandant vient à « Mon Idée, » s’arrête chez Mme D… Lui aussi, il feint de tourner les choses en plaisanterie. Ce que souffrent ces malheureuses ravalées au rang de serves, il ne veut pas le comprendre. Il s’adresse à Yvonne X… en riant :

— Alors, vous voulez toujours retourner à Lille ?

Yvonne X… le remercie de l’avoir autorisée à écrire et tend sa lettre. Le commandant la prend, la met dans sa poche. Au moment de se retirer, Yvonne X… dit un mot aimable à Mme D… la remerciant de lui être « maternelle ; » le commandant approuve et s’écrie :

Mme D… vous sert de mère, et moi je veux être votre « Père !… »

« L’inconscience de nos ennemis est, pour nous, vraiment inconcevable. »


Le dur travail des champs, l’éloignement du foyer, la privation de leur liberté ne sont pas les seules épreuves infligées aux déportées. Les vivres se font rares : « Nous avons mis en commun nos porte-monnaie, mais notre capital est bien petit. Je suis la seule à avoir emporté quelques pièces d’or. Encore n’ai-je pas plus de deux cents francs. Si notre captivité continue,