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français ; » il est « fier de garder en soi cette petite lampe de l’héroïsme, si vacillante aujourd’hui ; » il a recherché et retrouvé « le meilleur héritage des ancêtres » qui est de faire la guerre, « la guerre pour la guerre. » Voilà l’idée qui donnera à la vie, telle qu’il la rêve, « sa raison et son but. » Et il s’écrie : « Avant de quitter les rives de la Sangha, j’ai la prétention inouïe d’avoir conquis une croyance et d’avoir pu hausser mon rêve au-dessus des doutes et des relativités. »

Credo un peu sommaire peut-être, mais qui du moins a le mérite d’avoir été vécu. En 1908, Ernest Psichari rentrait en France avec la médaille militaire [1]. En septembre 1909 ; il sortait de l’école de Versailles avec les galons de sous-lieutenant, et partait peu après pour la Mauritanie où il devait rester trois ans ; il emportait peu de livres : les Pensées de Pascal, les Sermons de Bossuet, un exemplaire de Servitude et Grandeur militaires, et quelques Cahiers de son ami Péguy. Il se battit avec une bravoure qui lui valut, avec la croix, une citation à l’ordre de l’armée. A ses heures de loisir, il relisait ses livres de chevet, il méditait, il écrivait. Quand, au mois de décembre 1912, il quittait son « magnifique exil. » il rapportait deux romans, l’Appel des armes, celui-ci « achevé sous la tente saharienne, » l’autre, inachevé, le Voyage du Centurion.

A les examiner au point de vue purement littéraire, ces deux récits pourraient soulever plus d’une objection. Le style, qui a tant de rares qualités pittoresques et psychologiques, pourrait être parfois plus simple, plus dépouillé, plus direct. Il y a aussi quelque obscurité dans certains détails et dans le dessein général des deux œuvres, et les divers élémens n’en sont pas toujours suffisamment fondus. Mais ce sont là imperfections de jeunesse qu’une plus longue expérience du « métier » d’écrire eût sans doute fait disparaître, — ce dur métier que les mieux doués doivent apprendre, et auquel les improvisations mêmes du génie ne sauraient entièrement suppléer. C’est d’ailleurs faire tort à ces deux livres que de les envisager comme des romans véritables ; ce sont, bien plutôt, sous une forme à peine fictive, des demi-confessions, des mémoires, des témoignages d’âme ; à ce titre, ces « méditations juvéniles » sont d’un très vivant intérêt.

  1. Les régions qu’il avait explorées sont celles que nous avons cédées à l’Allemagne en 1911 et reconquises en 1914.