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On sait la donnée de l’Appel des armes. Le fils d’un instituteur anticlérical, pacifiste et antimilitariste, — il en y avait de cette sorte avant la guerre, — Maurice Vincent, à fréquenter un officier heureux et fier de son métier, le capitaine Timothée Nangès, sent naître en lui la vocation militaire, s’engage dans l’artillerie coloniale, et, sous les ordres de Nangès, va faire campagne en Mauritanie. Blessé et réformé, il passera le reste de ses jours à regretter la belle vie d’action disciplinée qu’il a quelque temps connue. Évidemment Ernest Psichari s’est peint lui-même tantôt sous les traits de Nangès, tantôt sous ceux de Maurice Vincent. Comme celui-ci, il se rallie à une tradition vénérable ; comme le premier, il se fait du rôle de l’officier une idée hautement éducatrice, une idée véritablement mystique. Comme tous deux enfin, il professe « le militarisme intégral, » et il n’hésite pas à déclarer, ce qui est sans doute excessif, que les canons, ce sont « les réalités les plus réelles qui soient, les seules réalités du monde moderne. » Nous voilà assurément bien loin de cette « foire aux vanités, » fruit de la défaite, où s’attardait la génération antérieure. Lui, le jeune officier, il appartient, à cette génération nouvelle qui n’a pu prendre son parti de « cet abandonnement de la France, » et qui « n’a pas vu la défaite, et qui s’en souvient » pourtant ; et il « pense à la guerre, à la guerre qui purifiera, à la guerre qui sera sainte, qui sera douce à nos cœurs malades… »

Et ce « militarisme intégral » le conduit à d’autres pensées. Maurice Vincent a comme le pressentiment de la mystérieuse parenté qui existe entre l’Église et l’Armée. C’est que toutes deux sont une marche vers l’absolu. « Nous sommes embarqués dans deux grands voyages, entrepris vers une morale, vers une foi, vers une certitude. Routes parallèles, non point convergentes, mais éternellement l’une au-dessous de l’autre, et l’une étroite, l’autre large, mais toutes deux cheminant ensemble. » Quant à Nangès, médiocre, mais modeste chrétien, et qui « ne se croyait pas assez de lumières pour juger la foi de Pascal et de Chateaubriand, » « il aimait les cérémonies de l’Église… Il admirait que la foi fût vivace encore au cœur de la race… Tout l’effort de la pensée humaine avait échoué devant la représentation sensible de ce crucifié. Tous les philosophes et les savans étaient restés impuissans devant le mystère inouï, formidable de la transsubstantiation… Cette perpétuité de la foi, voilà pour