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et la candeur de ses élans, mais que nous comprenons mieux aujourd’hui, maintenant qu’elle s’est révélée, mûrie, et si noblement sacrifiée sur les champs de bataille ! Elle avait le pressentiment de la vie dangereuse qui allait s’ouvrir pour elle, et, pour la mieux vivre, cette vie d’action héroïque, elle réclamait le traditionnel viatique qui avait, sur notre vieux sol gaulois, soutenu et fortifié tant de courages.


Notre génération, — écrivait Ernest Psichari à Agathon en 1913, — notre génération, celle de ceux qui ont commencé leur vie d’homme avec le siècle, est importante. C’est en elle que sont venus tous les espoirs, et nous le savons, c’est d’elle que dépend le salut de la France, donc celui du monde et de la civilisation. Tout se joue sur nos têtes. Il me semble que les jeunes sentent obscurément qu’ils verront de grandes choses, que de grandes choses se feront par eux. Ils ne seront pas des amateurs ni des sceptiques. Ils ne seront pas des touristes à travers la vie. Ils savent ce qu’on attend d’eux.


Et, après avoir lu les Jeunes gens d’aujourd’hui : « Il me semble que tous les traits que vous notez doivent nous mener un jour à de la gloire guerrière et, pour tout dire, à une revanche dont nous ne devons jamais détourner nos regards. »

En attendant, Ernest Psichari était tout à ses convictions nouvelles. Il était retourné à Cherbourg. Il y achevait le Voyage du Centurion dans des sentimens de ferveur mystique que révèle suffisamment ce mot d’une lettre à M. Paul Bourget : « C’est un tremblement que d’écrire en présence de la Sainte Trinité. » Une idée le hantait : « être prêtre à tout jamais. » Il songeait très sérieusement à se faire dominicain. Au printemps de 1914, il visita le séminaire d’Issy, et retrouva avec émotion, avec piété les lieux qu’ont rendus célèbres les Souvenirs d’enfance et de jeunesse. Il fut convenu qu’il irait d’abord à Rome, pour y prendre ses grades théologiques, et qu’il suivrait comme auditeur libre les cours du Collège Angélique.

La guerre, en éclatant, allait disposer de lui autrement. Il partit dès le second jour, avec le 2e régiment d’artillerie coloniale. Quelques mois auparavant, il avait écrit : « Il faut que la France fasse la guerre, si elle veut reprendre sa place dans le monde : » vérité d’évidence que ses aînés, peut-être, n’ont pas toujours assez résolument regardée en face. Il disait en quittant Cherbourg : « Je vais à cette guerre comme à une croisade, parce