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France. L’auteur, au 4 août 1914, applaudit à l’union sacrée, salut de la France, la veille déchirée de toutes les querelles qui ont occupé les dernières années avant la guerre et principalement les dernières semaines : soudain, les querelles sont finies, sont abolies, parce que la France est en péril. Ce fut un admirable jour, celui que l’union, proclamée à la Chambre, voulue et faite par le pays tout entier, rassembla tous les Français dans une seule énergie. Les semaines passèrent, les mois et les années. On ne peut pas dire que l’union sacrée se soit maintenue en sa perfection première. C’est que les motifs déterminans de l’union sacrée ont disparu ; non qu’ils n’existent plus : on les voit beaucoup moins. La confiance qu’il y a dans le pays donne à tout le monde et donne à de vifs partisans une sécurité à la faveur de laquelle plus d’un recommence de chicaner. Cependant, l’union sacrée ne cesse pas d’être indispensable ; et, si la guerre continue, la guerre est déclarée tous les jours : elle exige tous les jours la même discipline, et plus rigoureuse, qu’à l’heure exaltée de la mobilisation. Mais il faut compter avec l’usage, l’habitude et voire les manies de nos cœurs : nos sentimens brefs n’ont pas la même façon de se comporter que nos lentes patiences ; nos sentimens ne résistent pas au temps et ne survivent pas sans se modifier. Puis il y a du loisir, à l’arrière du front, comme au front il y a des répits : la spontanéité première se complique de rêve et de réflexion. La spontanéité, peu à peu, tombe. Et ainsi, l’union sacrée, qui fut au 4 août le chef-d’œuvre de la spontanéité patriotique, a bel et bien risqué de se défaire. A la vérité, elle s’est défaite ; mais, par un bonheur, elle se refit, nouvelle, d’une autre sorte et plus résistante, à mesure qu’elle se défaisait. Travail splendide, qui sauve la patrie, et qui est celui que M. Maurice Barrès analyse.

« L’union sacrée, dit-il, n’a pas consisté à renier nos croyances, ou à les reléguer dans une armoire comme un objet inutile dont on reparlerait plus tard. » A les renier, non ; mais à les mettre dans une armoire, en quelque sorte, si ! les premiers jours, et quand il n’était question que d’une guerre courte, épisode qui excitait la curiosité autant que la bravoure, et après lequel on retournerait à la causerie interrompue, à la causerie et volontiers à la chamaillerie. La première union sacrée ouvrit une parenthèse : et la victoire, au bout de la saison, devait fermer la parenthèse. Mais, quoi ! l’on ne met pas entre parenthèses trois fois les quatre saisons de l’année. Et, la nouvelle union sacrée, la voici, comme la décrit M. Barrès : « Elle ne comporte aucun oubli de ce qui fait vivre nos consciences ; mais, au contraire,