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par la coutume de Neustrie. Là-dessus, le jurisconsulte se récrie : douze millions d’hommes, d’un bout à l’autre de l’Europe, s’entretuent ; ça ne suffit pas pour divertir du mariage de Gisèle un érudit, un maniaque ! M. Maurice Demaison, plus sage : « C’est un brave homme ; il faut le citer à l’ordre du jour civil. » Ce maniaque ? « Il y a plusieurs manières de s’occuper pendant la guerre. La plus noble est de se battre ; ensuite viennent les services qu’on rend à nos soldats ; après cela, il n’en reste qu’une bonne, c’est de faire son métier. Quiconque n’est point dans les tranchées, les ambulances ou les œuvres charitables, n’a pas d’autre devoir. S’il est balayeur, qu’il balaye ; s’il est ferblantier, qu’il rétame ; mais, pour Dieu, qu’il continue sa vie !... » Peut-être, sur ce point, M. Donnay et M. Demaison ne sont-ils pas tout à fait d’accord. M. Donnay veut que tout le monde serve : tout le monde, et même Clotilde. M. Demaison sera content si Clotilde s’occupe. M. Donnay compte davantage sur l’utilité d’un chacun. M. Demaison n’ose pas demander à tout un chacun de servir : il conjure les inutiles de n’être qu’inutiles et, principalement, de ne pas nuire. Ils sont d’accord, au surplus, pour blâmer les désœuvrés ; et M. Donnay, certainement, approuve M. Demaison, qui écrit : « J’aime l’entomologiste qui pique des papillons. Il alimente le commerce du liège, l’industrie des épingles, celle de la créosote ; il participe à la vie du pays. Et je suis indulgent à la femme qui commande des robes à godets. Elle pourrait employer son argent avec plus d’altruisme ; mais sa coquetterie même n’est pas d’une mauvaise citoyenne : elle soutient le moral des couturiers. Cela vaut mieux que de s’affliger dans une jupe étroite et de dire : On n’avance pas ! » Le sublime Paris de guerre, M. Maurice Donnay lui a dédié plus d’un cantique d’amour et d’amical respect, dans ce recueil si attrayant, si pathétique, au titre glorieusement démodé. Pendant qu’ils sont à Noyon : « L’âme de Paris ! Elle fut résignée aux pires catastrophes, pendant les premiers jours de septembre. Depuis, elle est confiante et toujours pleine d’espérance et de certitude... L’âme de Paris, ceux qui la jugent du dehors, et sur certains dehors, peuvent la croire indifférente, habituée, légère : ils se trompent !... » Le sublime Paris de la guerre, M. Demaison, comme on voit, le traite avec un peu d’ironie. Entendons ce mot ; ne confondons pas l’ironie avec la moquerie. Il y a possiblement de l’amitié, dans l’ironie, même de la tendresse. Et que l’auteur des Croquis aime Paris, on le sent à chaque page de son livre. Il en aime les rues et les gens ; il en connaît tous les quartiers, et l’histoire. Il en aime les heures de jour et les heures de nuit, les