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vers la victoire ne sera pas aussi aisée que l’affirment depuis bientôt trois ans les optimistes béats ; mais où serait le mérite, si nous arrivions sans encombre à destination ?

Déjà, l’offensive en Macédoine, malgré son arrêt apparent, peut intéresser un observateur. Elle mêle dans le cours de ses événemens les diplomates et les financiers, les révolutionnaires et les loyalistes, les gens de lettres et les guerriers. Mais il serait inopportun, et en tout cas malséant, de blâmer ou d’absoudre, de regretter ou de prophétiser, selon que l’on regarde par tel ou tel bout de la lorgnette, les manœuvres des combattans, les fluctuations du roi Constantin, les embarras de Venizélos, les combinaisons des chancelleries. Que valent toutes les arguties contre la limpidité des faits ? Or, des faits militaires, les seuls qui nous intéressent actuellement, se dégagent des leçons dont la sagesse est démontrée par l’expérience.

D’abord, la rudesse de la tâche que doit accomplir l’armée d’Orient. Cette armée n’est pas un tout homogène, comme celles qui opèrent sur les fronts italien, russe, asiatique et français. En comptant bien, on y trouve ; des comitadjis albanais, des Monténégrins, des Italiens, des Russes, des Anglais, des Français, des Serbes, et même des volontaires macédoniens.

Les pays de Macédoine où cette armée disparate se mesure avec ses adversaires sont moins connus que les classiques théâtres d’opérations dont les caractéristiques les plus futiles étaient passées au crible de l’analyse dans les écoles militaires du temps de paix. Les cartes sont erronées, les routes rares, les ressources locales insuffisantes, les bases éloignées, les transports incertains et lents. Les combinaisons du stratège, les projets du tacticien sont souvent contrariés par l’imprécision des données topographiques et climatériques, autant que par la difficulté des ravitaillemens. Si, sur le front français, un réseau serré de routes magnifiques double un système complet de voies ferrées, en Orient il faut toujours compter sur les déceptions que réservent les pistes tracées à double trait sur les cartes par les topographes, et au hasard dans les champs par les chars des villageois. Le damier de montagnes et de plaines, outre qu’il met à de rudes épreuves l’habileté des services de l’arrière, convient admirablement à une guerre d’usure où le terrain est défendu pied à pied.

Cette guerre, les combattans du front français qui ont vu