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de misères et de deuils, ce n’est pas entre la vie douce et la vie âpre ou gênée que nous avons à choisir, c’est entre la vie et la mort.

La France ne vivra que si les Français, qui ont si magnifiquement montré qu’ils savent mourir, montrent maintenant qu’ils savent souffrir : elle ne durera que s’ils endurent. Qu’est-ce, auprès de cette nécessité, que les petites privations qu’on nous impose ? Nous demandons seulement, non pour ne pas les supporter, mais pour pouvoir en supporter d’autres et les supporter plus longtemps, qu’on ne nous en impose pas d’inutiles ou d’inefficaces. Nous demandons que le gouvernement et l’administration comprennent que leur rôle ne consiste pas à tout espérer et tout exiger du public, parce que, s’il en était ainsi, il ne serait besoin ni de gouvernement ni d’administration, et l’on aurait pratiquement établi l’identité de l’ordre et de l’anarchie. Nous demandons que le ministère du ravitaillement ait, plus nettement qu’il ne paraît l’avoir, la conception qu’il peut être et doit être autre chose qu’un ministère du rationnement, qu’un organe d’intervention par interdiction à tort et à travers. Nous demandons que, lorsqu’il n’arrange point, il ne dérange pas, et que, lorsqu’il ne trouve pas en lui-même assez de compétence, il ne craigne pas d’en emprunter. De même pour le blocus et la guerre sous-marine. Sans exagérer les effets de la campagne scélérate entreprise par l’Allemagne « pour mettre l’Entente à genoux, » — du moins ses effets de destruction, ses effets directs, — sans oublier que le résultat est très loin d’avoir atteint ce qu’elle s’était promis, cependant ses effets indirects, ses effets d’intimidation et de paralysie, se font et à la longue se feraient de plus en plus sentir. Nous demandons une action vigoureuse ; il y a deux ans que l’amiral Degouy, dans cette Revue, en démontrait infatigablement l’urgence et la possibilité ; deux ans qu’il ne cessait de rappeler que, pour détruire un nid de guêpes, il ne faut pas attendre qu’elles aient essaimé ; que sans doute il en coûtera et l’on paiera, mais que le seul moyen de limiter la perte, dans les cas extrêmes, est de consentir un sacrifice. On s’est enfin décidé à l’entendre ou à faire comme si on l’avait écouté. Toute une série d’attaques combinées, par air et par mer, contre les bases d’Ostende et de Zeebrugge produiront vraisemblablement plus qu’une chasse de plusieurs mois aux mauvais insectes envolés.

Nous avons longuement regardé chez nous ; regardons à présent chez l’ennemi. Le besoin de paix, d’une paix rapide, brusquée, qu’éprouvent les Empires du Centre, se trahit chaque jour davantage par des signes chaque jour plus nombreux, plus manifestes, plus concordans.