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avoir fait mine de lui venir en aide en 1895, lui avait, en 1897, arraché par violence la cession à bail du territoire de Kiao-tcheou, lui avait imposé, en 1900, la plus humiliante expiation de l’insurrection des Boxeurs, et qui, depuis lors, n’avait cessé de l’exciter dans un dessein intéressé, d’abord contre la Russie, puis contre le Japon, contre la Grande-Bretagne, contre la France. Le président Yuan avait eu la faiblesse de se laisser circonvenir par les intrigues et les flatteries des agens allemands qui, depuis le début de la grande guerre, avaient réussi à l’entourer. Il les avait laissés exercer leur propagande et répandre dans tout le pays les nouvelles les plus tendancieuses et les plus fausses sur les événemens d’Europe. C’est par eux qu’il avait été encouragé dans sa campagne chimérique de restauration impériale.

C’était, ou jamais, le moment de rompre avec tout ce passé, d’exorciser tous ces spectres. Le ministre Wou ting fang, qu’heureusement son long séjour aux Etats-Unis avait familiarisé avec l’esprit et les idées de la nation américaine, eut la sagesse de ne pas perdre une heure. En vain le gouvernement allemand s’efforça-t-il de démontrer à la Chine que la guerre sous-marine ne pouvait la viser ni l’atteindre, et que de grandes précautions seraient prises pour épargner les bâtimens et les sujets chinois. La Chine, n’ayant pu obtenir plus de satisfaction que les États-Unis et aucun autre gouvernement n’en avaient obtenu, le ministre d’Allemagne, l’amiral von Heintze, sur l’activité duquel l’empereur Guillaume II avait fondé tant d’espérances, reçut ses passeports et dut s’embarquer à Shanghai sur un bâtiment hollandais, avec un sauf-conduit lui assurant le passage par les Etats-Unis, et de là en Europe. Les ministres de Chine quittèrent de même Berlin et Bruxelles avec tous les consuls et tous les sujets chinois.

La rupture ainsi consommée, le gouvernement chinois prit, sans plus tarder, les mesures qui s’imposaient à l’égard des concessions allemandes de Tien-tsin et de Han-Keou, de même qu’envers les bâtimens allemands internés dans les ports. Il interrompit, d’autre part, jusqu’à la fin des hostilités, tout paiement au gouvernement et aux sujets allemands des coupons des emprunts, dont le bénéfice servait surtout à la propagande pangermaniste. L’Allemagne se trouva en même temps exclue, au grand soulagement des Alliés, du « consortium » financier avec lequel avait été contracté l’emprunt de réorganisation