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de 1913. Toutes les entreprises commerciales, maritimes, industrielles des Allemands en Chine furent autant que possible suspendues, les sujets allemands dépouillés des privilèges de l’exterritorialité étant eux-mêmes étroitement surveillés et mis hors d’état de nuire. Le gouvernement chinois se réservait enfin la faculté de prendre par la suite, à l’exemple des Etats-Unis, et selon ce que les circonstances exigeraient, toutes les dispositions additionnelles propres à accentuer son attitude envers l’Allemagne.

Le Japon appréciait autant, sinon même plus encore que les autres Alliés, le divorce qui délivrait la Chine de l’emprise allemande. Il accueillit très volontiers cette éventualité nouvelle d’une Chine faisant bloc avec les Etats-Unis et avec lui contre les Puissances germaniques. Au rêve pangermaniste d’une Allemagne appelée à dominer l’Asie d’un côté, à l’Ouest par l’Asie Mineure, le Taurus et la ligne de Hambourg à Bagdad, de l’autre à l’Est, par Kiao-tcheou, le Chan-tong, le Tcheli et toutes les extensions projetées, se substituait l’union, la coopération en Extrême-Orient et sur le Pacifique des trois grands Etats riverains, les Etats-Unis, le Japon et la Chine, simultanément alliés aux trois grandes Puissances d’Europe, la France, l’Angleterre, la Russie, ayant précisément les plus grands intérêts territoriaux, politiques et économiques en Asie. — Dès aujourd’hui, par l’impuissance à laquelle la réduisait l’effondrement de tout son domaine colonial et la disparition des mers de son pavillon militaire ou marchand, l’Allemagne est exclue de cette vaste région du monde où elle avait espéré se créer un Empire. Le Pacifique et l’Asie sont à l’abri de ses atteintes. Il y a là une heureuse portion du globe déjà lavée et purifiée de la souillure, de la lèpre allemande, et qui nous donne l’avant-goût de ce que sera l’univers définitivement affranchi où les poumons respireront un air libre, où l’humanité pourra reprendre le cours de ses destinées et se vouer en paix à l’avenir de la civilisation pour laquelle la « kultur » teutonne eût été, au cas où elle eut triomphé, un si effroyable péril.

Pendant de longs siècles la Chine et le Japon s’étaient eux-mêmes volontairement enfermés dans leur isolement, exclus de tout rapport avec l’univers. Le continent américain était ignoré, inexistant pour l’ancien monde ; et quand, trois siècles après la