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des deux ne peut que gagner à voir son voisin prospérer ; car on ne fait de bonnes affaires qu’avec les riches. Si l’on joint à cela certains rapprochemens d’esprit manifestes qui entraînent un pareil souci prédominant du droit et de l’honneur, on comprendra que l’Espagne et la France sont également intéressées à mieux se connaître, à voisiner, à converser plus intimement et plus souvent.

Pour faciliter ces rapprochemens, l’Institut de France avait déjà pris l’initiative d’une mission littéraire, artistique et scientifique, dont M. Etienne Lamy a exposé ici les résultats. Une seconde mission de l’Institut est partie pour l’Espagne, au mois de novembre 1916, composée cette fois, dans un esprit différent, d’hommes que leurs habitudes intellectuelles, leurs travaux et leurs fonctions conduisaient à envisager plus volontiers le côté pratique des problèmes, ou tout au moins à chercher et à désirer l’application réaliste de la science. Cette mission peut être considérée comme la mise en œuvre d’une idée que je crois fondamentale pour l’avenir de notre pays et qui, malgré certaines résistances occultes, commence à faire son chemin : l’association efficace et constante de la science française avec l’industrie ; la démolition de cette cloison étanche qui, pendant une période trop longue où l’on a rompu avec la tradition des Lavoisier, des Thénard, des Berthollet, des Gay-Lussac, des Monge, des Prony, de tous ceux qui fondèrent la science française au début du XIXe siècle, a prétendu enfermer l’Académie des Sciences dans une tour d’ivoire dédaigneuse, pour ne plus laisser briller devant des yeux hypnotisés que les boutons de cristal des mandarins.

Dans le voyage de cinq semaines qui a été fait à cette occasion, on s’est proposé de voir et d’apprécier, non plus la grande Espagne du passé, l’Espagne du Cid, des conquistadores, de Cervantes ou de Velazquez, mais la non moins grande Espagne du présent, celle des forces hydrauliques, des mines, des sucreries, des industries mécaniques et chimiques : une Espagne nouvelle que regardent en général trop distraitement les touristes, séduits d’abord par les musées, les palais arabes ou les cathédrales ; une Espagne qui me parait être le pays d’Europe le plus intéressant pour les industriels et les financiers par ses perspectives de développement prochain. On a abordé ainsi des groupemens humains très actifs et très vivans qui sont ceux