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besoins de ses alliés, de ses voisins, de ses fournisseurs ou cliens possibles, afin de concevoir l’état des marchés à venir, les centres de production utilisables, les développemens à provoquer, à favoriser ou à craindre, la direction et l’intensité des futurs courans économiques.

II se fait, dans cet ordre d’idées, tout un grand travail souterrain que ne mentionnent pas les « Communiqués, » mais pour lequel nous ne saurions ignorer l’ardeur minutieuse, organisée et persévérante qu’apportent nos ennemis. A ne considérer que les pays neutres (dont le nombre, fort heureusement, diminue de jour en jour), un double danger nous menace : l’accumulation par les Allemands des stocks qui devront, au premier jour, leur fournir des matières premières ou leur permettre de servir des produits fabriqués à leurs anciens cliens et la substitution sournoise de marques neutres aux marques germaniques que nous aurons décidé de boycotter. De notre côté, on ne reste pas non plus inactif et, malgré l’individualisme trop prononcé qui entrave nos groupemens, il suffit de rappeler quelles vastes organisations ont été conçues pour les matières colorantes ou pour les métaux : organisations dans lesquelles des parts seront sans doute attribuables à d’autres qu’aux onze peuples alliés. A l’occasion de ces efforts, les sympathies, les communautés de sentimens que détermine l’unité de race peuvent favoriser des associations d’intérêts qui, à leur tour, sont le plus solide fondement des amitiés. Pour nous, Français, en particulier, il est tout indiqué de vouloir étudier plus à fond le seul de nos grands voisins qui n’ait pas pris part à la guerre actuelle ; non pour tendre à modifier sa neutralité sincère et bienveillante, mais afin de jeter, sur les deux versans des Pyrénées, les bases de relations économiques plus étroites et plus fructueuses. Il existe là deux peuples séparés par une frontière naturelle assez nette pour que toute hypothèse d’un conflit entre eux puisse être heureusement écartée ; et, néanmoins, cette frontière naturelle va bientôt, avec l’ouverture prochaine des deux transpyrénéens, cesser d’être une barrière. Leurs rapports d’affaires sont déjà nombreux et doivent le devenir plus encore. A bien des égards, ils se complètent : sur quelques points seulement, pour lesquels ils doivent aisément s’entendre, ils peuvent se trouver en compétition. Chacun d’eux a tout avantage à être en bons termes avec l’autre ; et chacun