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les mitrailleuses du capitaine Marcotte de Sainte-Marie les avaient arrêtés, puis ils s’étaient rejetés sur Caeskerke à l’Ouest de la ville et de la rivière, et, arrêtés par la ligne du chemin de fer, s’étaient égaillés après avoir lâchement assassiné le commandant Jeanniot et quelques marins faits prisonniers au cours de cette surprise [1].

Grossetti, investi du commandement de tous les élémens français engagés derrière la rivière, — groupement hétéroclite où entraient, avec les troupes de la 42e division, les fusiliers marins, le 8e chasseurs à cheval, le 6e hussards, les deux bataillons de Sénégalais de Dixmude, — faisait organiser défensivement la chaussée du chemin de fer ; sous lui, ses lieutenans les colonels Claudon, Deville et de Bazelaire et l’amiral Ronarc’h, chargés chacun d’un secteur, tenaient la rivière avec ordre d’assurer à tout prix la défense du front Dixmude-Nieuport ; le 6e territorial relevait dans les tranchées au Nord de Pervyse un régiment belge. Mais l’artillerie devenait absolument insuffisante ; l’état des munitions commençait à devenir grave ; il ne restait plus à l’armée belge que 180 canons non encrassés et environ 130 coups par pièce et les effectifs belges engagés n’étaient plus que de 14 500 hommes. La situation devenait angoissante.

Vers le soir de la journée du 27, qui heureusement avait été relativement calme, les défenseurs sentirent un léger frémissement sous leurs pieds : d’innombrables petites flaques se produisaient, de minces filets d’eau couraient, les fossés se remplissaient. On avait ouvert le matin les écluses de Nieuport au flux ; le génie belge travaillait à manœuvrer les crics. Les Allemands ne soupçonnaient pas qu’on allait, en petit, renouveler contre eux la célèbre manœuvre qu’en 1672, grâce aux écluses de Muyden, les Hollandais avaient opposée à Louis XIV. Ayant été repoussés avec de cruelles pertes le 26, ils n’attaquaient pas lorsqu’il en était encore temps. Fatigués, ils étaient en outre attaqués au Sud de Dixmude par Mitry et une brigade du 9e corps ; et il fallait qu’ils s’en préoccupassent.

Le 28, la situation paraissait cependant encore « aggravée : » un rapport d’aviateur signalait que « de nombreuses batteries lourdes s’installaient sur les deux rives de l’Yser, dont le total

  1. Cf. à ce sujet et sur les épisodes de la défense de Dixmude les articles, — depuis longtemps célèbres, — de M. Charles Le Goffic, dans la Revue des 1er et 15 mars 1915.