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mis le plus nettement en lumière les hautes vertus militaires, le général de Castelnau.

L’avenir, qui saura bien percer certains mystères et faire violence à certaines modesties, dira probablement du général de Castelnau que ce douloureux et héroïque soldat, que ce chef complet, aux sûres et vives intuitions, aux décisions promptes, au lucide esprit organisateur, aura été l’un des principaux artisans de la victoire française. Il a déjà sauvé la France au Grand Couronné, en rendant possible la victoire de la Marne ; il va la sauver encore sur la Meuse. Comme s’il était dans la destinée du général français de s’opposer à toutes les ‘(entrées » impériales, c’est lui, c’est son adversaire et son vainqueur de Nancy que le « seigneur de la guerre » va retrouver à Verdun, et qui s’empresse au rendez-vous. Il arrive, juge d’un coup d’œil la situation, donne des ordres nets, précis, lumineux, pour la bataille prochaine ; il calme les inquiétudes, rassérène les courages, communique à tous, officiers et soldats, sa tranquille, sa mystique confiance. Quand, le soir du 25, le général Pétain vient prendre le commandement de l’armée de Verdun, les renforts sont arrivés, le 20e corps est à son poste. L’Empereur a pu télégraphier à l’univers entier qu’ « en sa présence, le fort cuirassé de Douaumont, le pilier angulaire des fortifications permanentes de la forteresse de Verdun, » a été pris par ses fidèles Brandebourgeois, dans un « irrésistible assaut [1] » et « demeure solidement entre les mains des Allemands. » — « La France nous regarde, a dit le nouveau chef. Elle attend, une fois de plus, que chacun fasse son devoir. » Le lendemain, 26, d’énergiques contre-attaques françaises enrayent l’avance allemande, dégagent Douaumont ; après trois jours de luttes furieuses, l’ennemi cesse ses attaques : « le pilier angulaire » reste en notre pouvoir.

Il n’y restera pas toujours. Trop engagée d’honneur et, peut-être, d’intérêt, pour reculer maintenant, l’Allemagne ne voudra pas avouer au monde, ni s’avouer à elle-même son coûteux échec. Elle prolongera la lutte, elle l’élargira ; elle jettera dans le gouffre bataillons sur bataillons, ses meilleures troupes

  1. Ces fameux Brandebourgeois n’avaient d’ailleurs réussi à pénétrer dans le fort qu’en se déguisant en zouaves. Voyez là-dessus Ceux de Verdun, par le lieutenant Péricard, — le lieutenant Péricard est le héros de « Debout les morts ! » — (1 vol. in-16, Payot, p. 144-146.)