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arrêts, en ajoute d’autres, c’est, dans l’Indiana, l’Ohio, de ville en ville, le plus empressé des accueils. Indianapolis présente à la mission son monument aux soldats de la guerre civile : « Aux vainqueurs silencieux, » porte, sous l’obélisque gris, le haut relief de bronze. Capitale de l’Etat d’Ohio, Columbus masse toute sa population en larges gradins, entre les arbres, sur la grand’place qui s’étend au pied de la Maison d’Etat, State House, dont, peu à peu, les lumières s’allument, pendant que le soir descend dans l’acclamation profonde d’une cité qui, tout entière, s’unit pour donner tout son cœur.

A Philadelphie, les fils de la révolution américaine, descendans directs des combattans de l’Indépendance, forment une haie d’étendards, fidèle reproduction des drapeaux de la période coloniale, étendards qui s’inclinent au passage de la mission, qui de la gare est directement venue dans la petite salle émouvante où les « Pères » ont, le 4 juillet 1776, signé l’immortelle Déclaration. Le rabbin Joseph Kranskopf, l’un des plus éloquens du pays et l’un des pacifistes les plus connus de Philadelphie, prononce d’une voix chevrotante, les mains sur la poitrine, la tête inclinée, les yeux en extase, la prière d’usage. Le maire Smith, M. Viviani échangent quelques paroles. Puis, après la remise au maréchal d’un bâton taillé dans le bois de l’ancien bâtiment, maintenant détruit, où fut proclamée l’Indépendance, tous se rendent dans une autre salle, près de la grande relique démocratique, la « Cloche de la Liberté, » qui, après avoir, en 1753, rendu, sous le marteau d’une jeune parente d’Isaac Norris, son premier son, et glorieusement annoncé, en 1776, la nouvelle nation, repose maintenant dans une chambre aux boiseries blanches, où seuls quelques privilégiés pénètrent. Le chef de la mission française se penche et la baise avec ferveur ; le maréchal la touche, simplement, de la main, puis ramène cette main, d’un beau geste, à ses lèvres.

Après un arrêt dans le modeste cimetière où repose Franklin, la mission, continuant ses pèlerinages, se rend au petit cottage, tout humble, en briques rouges, à croisées d’un blanc fané, qui, dans Fairmount Park, où on l’a transporté, se dresse au sommet d’un tertre vert, planté d’arbres magnifiques : c’est la maison de William Penn, fondateur de l’État. Maintenus par une mince corde, dix mille écoliers, garçons et filles, couvrent les pentes à perte de vue. Une grimace involontaire, un « aye ! »