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découvertes, qu’ils fussent les patiens analystes, dont ensuite la philosophie compléterait l’œuvre par un élan de synthèse.

Un Comte, un Taine avaient ainsi rêvé, chacun à sa façon, d’une philosophie où tout le savoir s’unifierait : on allait, à Louvain, créer l’outillage ; et dans l’Institut supérieur de philosophie, que présidait Mgr Mercier, se groupaient autour de sa chaire d’autres chaires dans lesquelles certains de ses collègues des diverses Facultés préparaient, chacun en son domaine, la convergence des sciences vers l’unité.

Puis un jour vint, — ce fut en 1893, — où les propres élèves de Mgr Mercier, les fils immédiats de sa pensée, furent assez nombreux, assez experts, pour pouvoir occuper eux-mêmes, autour du maître, les chaires de l’Institut. M. Nys professait la cosmologie ; M. de Wulf, l’histoire de la scolastique ; M. Thiéry, la physique ; M. Deploige, la sociologie : c’étaient quatre laïcs, dont plus tard deux devinrent prêtres. L’Institut prenait ainsi l’aspect d’une famille spirituelle ; un même esprit planait sur leurs enseignemens, qui donnaient désormais l’impression d’être coordonnés, et non point simplement juxtaposés ; ce labeur collectif trouvait son organe dans la Revue néo-scolastique, et son cadre, — un cadre digne de lui, — dans une belle construction gothique dont les plans étaient dus au futur ministre Helleputte, ami personnel du futur cardinal ; le séminaire Léon XIII s’ouvrait, pour accueillir les jeunes prêtres qui viendraient coudoyer les laïcs au pied des chaires de l’Institut ; et un bref pontifical de 1894 marquait la place de l’Institut dans l’ensemble du corps universitaire.

Mais il manquait à cette œuvre une suprême consécration : la souffrance de l’homme qui l’avait créée. L’Institut de Louvain était issu d’une impulsion romaine ; il était, à proprement parler, une pensée de Rome, épanouie sur le sol belge par un réalisateur, qui avait su la mûrir et la féconder. Et dans le haut clergé belge, tous ou presque tous avaient bien vite accepté, avec une nuance de respectueuse curiosité, la création nouvelle. Mais la réserve même qui donnait à cette curiosité quelque chose d’expectant laissait l’Institut un peu désarmé vis-à-vis d’une coalition de jalousies. Le thomisme, murmuraient quelques-uns, est vraiment coûteux pour la charité belge ; et tout l’argent qui se dépense pour ces nouveautés, nous ne l’aurons plus pour les élections. Et d’autres survenaient, se