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début des hostilités. Les surestaries, que l’armateur supporte en partie, influent fâcheusement sur ses affaires en l’empêchant de jouir de son navire et d’en retirer les revenus qu’il en attend. Ses combinaisons sont déjouées par des contre-ordres constans dans le programme des voyages.

Le mauvais outillage des ports cause à notre armement un préjudice beaucoup plus grave encore, en lui enlevant une partie de la clientèle de nos propres commerçans. Avant la guerre, nous voyions les marchandises françaises prendre couramment la route d’Anvers où elles trouvaient des facilités plus grandes pour s’embarquer et des conditions de fret moins onéreuses, justement parce que le port était outillé en vue de charger avec plus de célérité et d’économie. Par exemple, un cargo jaugeant net 3 100 tonneaux payait au Havre 6 227 francs comme droits de quai, péage, pilotage, taxes diverses, etc. tandis que le même navire n’avait à acquitter que 2 963 francs pour une escale à Anvers. C’est-à-dire que, par tonneau de jauge nette, les frais de l’armateur se montaient à 0 fr. 95 dans le port belge et à 2 francs dans le port français où le paquebot France doit laisser plus de 12 000 francs à chaque voyage. Qu’en résultait-il ? Nos compagnies de navigation se voyaient enlever un fret important sur lequel elles eussent été en droit de compter, et cela sans qu’il y eût de leur faute.

La question de l’aménagement de nos ports est d’autant plus grave que, géographiquement, la France se prête assez mal au succès de l’armement national. À cheval sur deux mers, sur le passage de toutes les routes de navigation mondiales, notre pays est propice à la cueillette des marchandises par les navires étrangers. Nos côtes sont des points d’escale rêvés, aussi bien pour les vapeurs se rendant d’Allemagne, de Hollande ou des pays scandinaves en Amérique que pour ceux qui, partant de ces rivages et des Iles Britanniques, vont franchir le canal de Suez. Nos armateurs sont donc soumis à la concurrence de tous leurs rivaux, qui, ayant déjà constitué la meilleure part de leur chargement, se bornent à combler chez nous les vides de leurs cales. Convient-il que cette situation d’infériorité naturelle soit encore aggravée par un vice d’organisation ?

Il est facile de se convaincre du danger en considérant que, sur 60 millions de tonneaux qui représentaient en 1913 les