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Si vous passez par Marseille ou par le Havre, vous vous apercevrez que des navires attendent leur tour pour franchir les portes des bassins de radoub, tandis qu’avant les hostilités, les bassins de Cherbourg, de Brest, de Lorient, restaient presque toujours vides.

Cette insuffisance générale de nos ports de commerce devait fatalement aboutir à une crise très grave : la crise des transports dont il a été parlé ici-même. Je n’y reviendrai que pour signaler une fois de plus sa répercussion sur la situation militaire du pays. Il ne faut pas s’y tromper, c’est faute de n’avoir pas été en mesure de répondre aux demandes de l’armée et de la population, dès les débuts de la guerre, que nous souffrons aujourd’hui du blocus sous-marin. L’état de nos ports maritimes ne nous a pas permis de constituer des réserves nationales, et nous a même conduits à entamer les stocks que nous possédions : résultat désolant quand on sait que, pendant près de deux années, nous avons possédé, presque sans trouble, la maîtrise des mers.


Plaçons-nous maintenant au point de vue commercial et examinons les conséquences du mauvais état de nos ports sur l’avenir de notre pavillon.

Un navire peut se louer à l’heure comme une bicyclette. C’est ce qu’on appelle l’affrètement en time charter. L’armateur compte, en effet, le prix de revient de son navire par unité horaire : heure, jour, mois, etc. Toute immobilisation de tonnage flottant, tout retard dans l’entrée au port ou le déchargement des marchandises se traduit donc par une perte sèche d’autant plus considérable que la capacité du navire est plus grande. En matière de navigation, le problème consiste à transporter le maximum de marchandises dans le moindre laps de temps possible. Quand les opérations de déchargement du navire sont rendues plus laborieuses et plus longues, ce fait produit une réaction immédiate sur les résultats de l’exploitation.

Tout d’abord, la prolongation de l’indisponibilité du navire entraîne le paiement d’indemnités appelées surestaries, proportionnelles au temps de l’immobilisation du vaisseau. Elles se sont chiffrées en France par 25 millions environ par mois au