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m’avait laissé une impression trop vive pour que je ne fusse pas désireux de la renouveler.

Ma visite à Groningue venait d’ailleurs de mettre à leur comble mes joies de Français, puisque, — et ce mot dit tout, — j’y avais été reçu par Salverda de Grave.

N’était-il pas un des nôtres, cet homme si naturellement élégant de pensée, de verbe comme de geste, savant entre les plus savans, causeur entre les plus fins, plein d’esprit à la française, sachant sourire et sachant conter, cachant tant de fond et de sérieux sous sa grâce, d’ailleurs parlant une langue si souple, si familière et si châtiée à la fois que l’hôte français rougit de ses négligences et de ses à peu près ? Un maître, enfin, et de la famille de nos Gaston Paris. J’étais sous le charme. Je compris à l’instant le pouvoir de rayonnement français d’un tel homme en Hollande. Car Salverda de Grave règne en Hollande sur tout l’enseignement français, à tous les degrés. Successeur à Groningue de van Hamel (dont le fils est élevé comme « Français » à Paris en ce moment), continuateur de son œuvre en Néerlande, ancien maître pendant près de dix ans de la reine Wilhelmine (ceci en dit long et porte loin), Salverda de Grave était bien jusqu’à la guerre président de l’Alliance française de Groningue, et dévoué parmi les plus dévoués. Mais cela ne lui a pas suffi depuis la guerre. Et c’est à son initiative, à son autorité, unique en son pays, qu’est due la constitution de ces Comités « Hollande-France » dont j’ai parlé plus haut. C’est à lui encore, à sa personne respectée, à ses fermes convictions et à son tact infaillible que revenait l’honneur de porter à la France l’hommage qui lui fut rendu le 26 mars. Ma simple conférence, donnée à Groningue, sous ses auspices, n’était que le prélude d’un acte qui allait bientôt autrement resserrer nos liens.

Le 26 mars, en effet, nos amis de Hollande fêlèrent la France, à l’occasion de notre mission, par un grand banquet en l’hôtel du Wittebrug, aux portes de la Haye. Cette manifestation, très insolite en Hollande, et toute privée qu’elle fût, n’en revêtit pas moins, tant par sa spontanéité, sa chaleur, que par la qualité exceptionnelle des convives, un caractère bien émouvant. Plus de cent vingt-cinq personnes, parmi lesquelles un nombre notable de dames, prirent place autour des tables fleuries, dans un décor de gala. Drapeaux français et drapeaux