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C’était le 6 mars et, le 8, la position allemande était enlevée. Le coup de main, bien conduit, avait eu un plein succès, et le sous-lieutenant Condom, selon l’expression même du capitaine Lacroix, avait déployé, d’un bout de l’attaque à l’autre, « la plus magnifique désinvolture. » Allant continuellement de peloton en peloton, et revenant tranquillement renseigner son chef entre ses allées et venues, il restait le dernier sous le feu, à la tête de son groupe, pour protéger le repli des autres. L’opération terminée, il voulait même retourner faire une dernière patrouille dans les tranchées prises, pour bien s’assurer que rien n’y était resté, mais y renonçait sur un ordre formel, et revenait seulement encore une fois en arrière, sous la fusillade qui ne discontinuait pas, pour diriger les groupes qui rapportaient les morts et les blessés, quand une balle l’avait frappé…

Il était tombé… C’était fin !…


LE CAPITAINE DE VISME

Le 25 février 1916, par une mauvaise journée de neige et de boue, le 146e d’infanterie s’arrêtait, dans l’après-midi, à Chaumont-sur-Aire, petite localité de la Meuse, à moitié chemin de Bar-le-Duc et de Verdun. En route depuis deux jours, les hommes, malgré leur entrain, n’étaient pas fâchés de se reposer un peu, mais leur repos devait être court, et à cinq heures, ou dix-sept heures selon le nouveau style, le commandant de la 3e compagnie du bataillon de mitrailleurs, le capitaine Jacques de Visme, venait inscrire lui-même sur le cahier d’ordres : Appel à 19 heures. Réveil à 23 heures 15. Départ à 0 heure 30. Les sous-officiers coucheront avec leurs hommes. Un contre-ordre, dans la soirée, retardait, il est vrai, le départ du régiment, dont le transport devait avoir lieu en camions-autos, mais rien n’était changé pour les compagnies de mitrailleuses. Elles devaient toujours faire l’étape à pied, et à vingt-trois heures quinze, comme l’avait indiqué l’ordre, le réveil sonnait pour elles. Une heure plus tard, par une nuit noire, « une nuit d’encre, » a dit un témoin, sous une pluie glacée qui pénétrait les os, le bataillon quittait Chaumont-sur-Aire.

Entré d’abord dans les dragons en quittant Saint-Cyr et Saumur, d’où, il était sorti brillamment, le septième de la première école et le premier de la seconde, le capitaine de Visme