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politique et d’action militaire. « Vous me faites frémir, avait dit le prince. — Frémissez à votre aise, mais taisez-vous. On a les yeux sur vous. Votre père, simple député, ne marque pas autant dans les rangs de la Convention que vous dans ceux de l’armée. »

Ceci confirme ce que Louis-Philippe a toujours dit du peu d’importance du rôle politique de son père. Il n’y avait pas, a-t-il souvent répété, de parti d’Orléans.

Le jeune général ayant interrompu : « Comment faire taire le cri de ma conscience ? » Danton reprit : « On ne demande rien à votre conscience, sinon de ne point juger celle des autres. Enfermez-vous dans votre métier de soldat, sans vous occuper de nos actes, ni vous mêler de politique. Cela est essentiel pour vous, pour les vôtres, même pour nous, et surtout pour votre père… Emportez ces conseils à l’armée. Ils sont dictés par un intérêt sincère. Gravez-les dans votre mémoire, et réservez votre avenir. »


Le conseil : « Enfermez-vous dans votre métier de soldat, » était bon. Le Duc de Chartres l’a fidèlement suivi. Mais le pourra-t-il longtemps ? Où sont l’insouciance et la sécurité de conscience que lui donnait l’accomplissement de son devoir militaire ? Où sont les beaux jours de Valmy ? Malgré lui, d’autres pensées l’assiègent. Il sent peser sur lui le crime de son père. Il doute de l’avenir pour son pays et pour les siens.

Et d’abord, au camp de Dumouriez, il n’est plus seul et détaché de tout : il a charge d’âme. Sa sœur Adélaïde, amie et conseil de toute sa vie, est venue, accompagnée de Mm# de Genlis, se mettre sous sa protection. Celle qu’il s’amusait, si peu de temps avant, à appeler la citoyenne Adèle Egalité, est proscrite, fugitive, émigrée : les Mémoires de Mme de Genlis nous disent à la suite de quelles aventures.

La gouvernante avait souvent offert de conduire ses élèves à l’étranger : proposition écartée, dit-elle, par peur de nuire à la fatale faveur populaire de la maison d’Orléans. Cependant, au commencement de 1792, Louis-Philippe-Joseph avait autorisé un séjour en Angleterre : Mme de Genlis, Adélaïde et Paméla étaient parties. Elles s’étaient d’abord installées à Londres dans une maison achetée par le prince, puis à Bury. Elles recevaient d’assez nombreuses visites, surtout celles de