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Sheridan, qui s’était épris de Paméla. Cette charmante et mystérieuse personne ressemblait beaucoup à l’épouse que l’illustre écrivain venait de perdre. Cette ressemblance, par malheur avait frappé aussi lord Edward Fitzgerald, fort amoureux jadis de Mme Sheridan ; et celui-ci devint l’heureux fiancé de Paméla, ayant, une fois au moins, supplanté le pauvre grand homme.

Tout à coup, en octobre, Louis-Philippe-Joseph avait rappelé sa fille. Le décret de la Convention contre les émigrés avait paru ; le délai de rentrée était fixé et une menace de mort suspendue sur cette tête innocente. L’ordre du père fut exécuté trop tard et le délai légal dépassé de quelques jours ; Mme de Genlis a raconté par suite de quels étranges incidens.

Une tentative d’enlèvement de la princesse devint manifeste. Des postillons entre Londres et Douvres prirent délibérément une fausse route. Des amis inconnus avaient, au passage des voitures, crié en français : « On ne vous conduit pas à Douvres. » Les cris des voyageuses avaient ameuté le peuple d’un village fort distant de la vraie route, et les postillons, le coup manqué, avaient dû, à contre-cœur et fort lentement, reprendre le chemin de Londres, où Mme de Genlis, la princesse Adélaïde et la belle Paméla reçurent l’hospitalité chez M. Sheridan. Celui-ci, quelques jours plus tard, voulut les accompagner à Douvres. La mer était furieuse, mais le vent favorable, et le navire, enlevé sur les vagues, les jeta, « en cinq quarts d’heures et douze minutes, » sur la côte française. On pense au beau tableau de Turner : Départ du paquebot de Douvres, par gros temps.

À Calais, le retour de Mlle d’Orléans avait été joyeusement acclamé par la foule : dernier hommage ! De poste en poste, on arrive à Paris. Au Palais Royal, Louis-Philippe-Joseph accueille les trois voyageuses ; ses traits expriment la tristesse, l’inquiétude, la fatigue. Il a envoyé un messager, les invitant à rebrousser chemin. On ne l’a rencontré qu’à Chantilly ; et Mme de Genlis a voulu passer outre. Il faut repartir au plus vite. Aller où ? Il serait dangereux de retourner en Angleterre. Les Flandres sont occupées par nos armées sans être encore annexées à la République. Chartres est général, Dumouriez est un ami : pour ces raisons, la princesse fugitive, sa compagne et sa fidèle gardienne s’en iront le lendemain matin demander asile auprès du camp de Dumouriez.