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Or, avec les vaccins, employés jusqu’aux travaux de Le Moignic, et qui sont tous à excipient aqueux, il était impossible d’injecter en une seule fois la quantité nécessaire à l’immunisation, car cela eût entraîné généralement des effets toxiques très graves et souvent mortels. Il a donc fallu subdiviser la dose et la faire absorber au sujet en plusieurs injections successives, et convenablement espacées, pour qu’il ait le temps, avant chacune d’elles, de se remettre des effets de la précédente.

C’est ainsi que jusqu’en 1917 les vaccinations antityphiques aux armées ont comporté pour chaque homme quatre injections successives, depuis lors réduites à deux, séparées par quelques jours de repos.

Cette répétition des injections n’a pas peu contribué à rendre impopulaire parmi les hommes la vaccination.

Non seulement celle-ci cause ainsi à trois ou quatre reprises des malaises qui la font redouter des soldats, mais, par suite du repos avec diète obligatoire dans les intervalles, elle détermine pendant deux ou trois semaines et souvent davantage, l’indisponibilité du contingent. Cela a parfois provoqué, et non sans raisons, quelque mauvaise humeur du commandement à son égard, car on conçoit ce que représente au point de vue du coefficient d’utilisation, de la combativité et de la mobilité de l’armée, le fait qu’elle soit tout entière et chaque année rendue ainsi indisponible pendant des semaines. On peut calculer que cela équivaut, — puisque trois semaines sont contenues dix-sept fois dans cinquante-deux, — à une diminution des effectifs et de la valeur de l’armée égale à un dix-septième, ce qui correspond à des centaines de mille hommes. Dans les usines travaillant pour la défense nationale, dans les poudreries, la vaccination antityphique ou antityphoïdique (on dit les deux.) est demeurée impraticable, car elle réduisait, dans d’importantes proportions, le rendement de ces établissemens qui doit toujours rester intensif.

La répétition des injections a encore un autre inconvénient ; elle expose à la répétition des accidens, surtout cardiaques et nerveux parfois graves, des chocs vaccinaux dont l’intensité n’est pas moins grande à la dernière injection qu’à la première. Enfin il est évident, — et d’ailleurs vérifié expérimentalement, — que plus la dose de vaccin injecté est élevée, plus tôt est acquise l’immunité, et par conséquent l’espacement et le fractionnement des injections laissent pendant trop longtemps le sujet à la merci de l’infection contre laquelle il n’est pas encore immunisé.

Tout cela montre l’importance militaire, sociale et humaine du