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problème auquel s’est attaqué avec ses collaborateurs, le docteur Le Moignic lorsqu’il s’est proposé de rechercher une méthode de vaccination antityphoïdique qui permît d’injecter en une seule fois la dose nécessaire. C’était là, comme il l’a si bien dit, « une œuvre de guerre. » En la réalisant, il a apporté à la défense nationale une contribution vraiment utile et noble et dont les chiffres précédens permettent de mesurer l’importance.

Ce n’est point par son mode de stérilisation de la culture microbienne vaccinale que le vaccin Le Moignic se distingue de tous les autres, comme ceux-ci se distinguent entre eux. C’est par la nature du support liquide du vaccin, support qui lui sert de véhicule dans l’injection. Tandis que les autres vaccins antérieurs sont suspendus dans l’eau, Le Moignic suspend le sien dans des corps gras, dans un mélange huileux. De là le nom de lipo-vaccin qu’il lui a donné. Il se trouve, — pour indiquer tout de suite le résultat obtenu, — qu’une seule injection d’un seul centimètre cube de ce vaccin suffit à immuniser, sans effets toxiques sérieux, contre les fièvres typhoïdes.

Les raisons qui ont conduit son auteur à cette découverte si simple, — souvenons-nous de l’œuf de Colomb, — et si importante, ne procèdent pas, comme il arrive souvent dans les sciences biologiques, d’un heureux hasard expérimental. Elles procèdent à la fois de la théorie et de l’expérimentation les plus rigoureuses.

Il lui est apparu en effet, dans l’hypothèse préliminaire qui a guidé ses recherches, que c’était le mode de suspension aqueuse des vaccins antérieurs qui était cause de leur toxicité, l’eau, d’une part, étant rapidement absorbée par le courant circulatoire et les tissus, et agissant d’autre part, par des phénomènes osmotiques bien connus, en extrayant avec rapidité des cellules bacillaires les substances toxiques incluses. Le docteur Le Moignic a pensé qu’en suspendant les bacilles dans un milieu huileux, on atténuerait à la fois ces deux phénomènes ; le vaccin serait alors absorbé avec lenteur par l’organisme, et déterminerait des réactions moins brutales et moins graves que dans l’eau physiologique.

L’expérience a prouvé victorieusement la justesse de ces prévisions et l’hypotoxicité, — c’est ainsi qu’on dit à la Faculté, — du lipo-vaccin par rapport à celle des vaccins aqueux. En opérant sur des chiens des injections de lipo-vaccin ou de vaccin aqueux préparés avec les mêmes doses de mêmes cultures bacillaires, on constate, chez les animaux traités par le premier, des accidens incomparablement moins graves que chez les autres.