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Disciple, — il n’avait pas encore perdu l’espoir de « laïciser » la morale, et il méditait d’appliquer à l’histoire littéraire la méthode évolutive, — il était trop profondément épris de moralité et il avait un sentiment trop vif de la grandeur nationale pour demeurer insensible aux considérations que développait M. Bourget et pour ne pas lui donner raison. Quelques années se passent : ses expériences intellectuelles lui ont procuré quelques déceptions, et, d’autre part, son inquiétude morale augmente. Subissant à son tour le prestige du grand pape qui a si généreusement travaillé à la pacification religieuse, politique et sociale des peuples chrétiens, il reprend et il pose avec une tranchante netteté le grave problème que les Taine et les Renan avaient résolu, non sans une certaine intrépidité d’affirmation dogmatique : Aux questions dont la solution importe à la vie morale de l’humanité, quelles réponses positives la science moderne apporte-t-elle ? Et il constate que ces réponses, quand elles sont formulées, sont singulièrement inconsistantes, et qu’en aucun cas elles ne sauraient prévaloir contre les solutions traditionnelles du dogme chrétien, et plus particulièrement du dogme catholique. Et il conclut, non pas, comme l’ont trop dit ceux qui ne l’ont pas lu, à « la banqueroute de la science, » mais simplement aux « faillites partielles » que la science a faites à « quelques-unes au moins de ses promesses, » ou des promesses qu’elle a laissé faire en son nom. En fait, — et peut-être est-il fâcheux qu’il n’ait pas employé la formule, — il s’était borné à constater la banqueroute du scientisme.

Violemment combattues par les uns, très favorablement accueillies par les autres, passionnément discutées par la presse, toutes ces idées faisaient leur chemin par le monde. Le roman, l’essai critique même ont cette supériorité sur la philosophie pure que, sauf de rares exceptions, ils atteignent un plus large public, s’adressent et s’imposent à un plus grand nombre d’esprits; et il arrive parfois que de simples écrivains modifient plus profondément l’atmosphère intellectuelle de leur temps que des philosophes de métier. Ceux-là n’agissent guère qu’à la longue, et quand leurs idées, reprises et popularisées par la littérature d’imagination ou la littérature d’idées, sont devenues accessibles à la majorité des âmes et des consciences. Les Brunetière, les Bourget, les Faguet, les Vogüé