Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

menées berlinoises et tenait plus que jamais à l’intégrité de l’alliance franco-russe.

Tel était l’homme qui présentait et commentait à l’empereur Nicolas II les rapports et les opinions des ambassadeurs et ministres russes à l’étranger.


III

Dans la seconde moitié du mois de juillet de l’année 1905, le monde politique de l’Europe fut agité par la nouvelle d’une rencontre entre l’empereur Nicolas II et l’empereur Guillaume qui eut lieu à Bjoerkoe dans le Skaergaard finnois. L’empereur Guillaume, que le conflit suédo-norvégien avait empêché d’entreprendre sa croisière habituelle dans les fjords de la Norvège, visita cet été, à bord de son yacht, la côte suédoise de la Baltique. C’est de là qu’inopinément le Hohenzollern cingla vers le littoral russe et vint mouiller à côté du yacht impérial russe le Standart. Le Tsar avait été prévenu par télégramme et n’emmenait avec lui que sa suite immédiate et son ministre de la marine, l’amiral Birileff, — un chaud partisan de l’alliance allemande, soit dit entre parenthèses. Ni le comte Lamsdorf, ni aucun des hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères ne s’y trouvaient.

Il fut clair pour tout le monde que, profitant des conjonctures politiques du moment, c’est-à-dire de l’hostilité que l’Angleterre avait témoignée à la Russie pendant tout le cours du conflit russo-japonais et des bons offices rendus à l’empire des Tsars durant la guerre par l’Allemagne, Guillaume II espérait ramener l’empereur Nicolas aux anciennes traditions de l’alliance russo-prussienne. C’est ainsi qu’on comprit l’entrevue de Bjoerkoe à Paris et à Londres ; et les ambassadeurs russes dans les deux villes attendirent dès lors, avec une impatience qu’on peut aisément comprendre, des éclaircissemens venant de source autorisée.

Enfin, après une vingtaine de jours, M. de Nélidoff reçut par le courrier diplomatique de Saint-Pétersbourg une lettre très secrète du comte Lamsdorf se rapportant à l’entrevue de Bjoerkoe. Le ministre russe des Affaires étrangères y racontait avec une entière franchise à l’ambassadeur tout ce qui s’était passé.

Revenu de Bjoerkoe, écrivait le comte Lamsdorf, l’Empereur