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proche en proche, jetant partout une consternation indignée. Un souffle de révolte soulevait les consciences. Le Gouvernement activait les mesures de défense, pressait la rédaction des projets de lois à voter d’urgence pour assurer l’ordre public, conjurer la panique financière et faciliter le ravitaillement devenu très vite difficile. La jeunesse affluait sous les drapeaux. D’heure en heure, les nouvelles de l’étranger montraient plus clairement que le sort en était jeté. Dans les cercles diplomatiques pourtant, certains espéraient encore, contre toute espérance, que l’Allemagne reculerait devant l’exécution du forfait. A ces optimistes, peu instruits vraiment de la mentalité allemande, le réveil de l’Angleterre, la fermeté de la réponse belge paraissaient de nature à provoquer un revirement à Berlin. Comme la journée s’achevait, ils voyaient avec joie que la réception de la note belge n’avait été suivie d’aucun acte d’agression. Mais les milieux militaires ne se leurraient d’aucune illusion. Le général Léman, après avoir consulté téléphoniquement le ministre de la Guerre, ordonnait la destruction des voies de chemin de fer et des ponts dont l’Allemagne avait déjà revendiqué l’usage et multipliait les travaux de démolition qui devaient, dans le rayon de la place de Liège, dégager le champ de tir des forts. Dans la soirée, les députés arrivaient à Bruxelles de tous les coins de la Belgique et apportaient unanimement l’écho de la ferme volonté du pays de se défendre jusqu’au bout.

Le mardi 4 août, les alentours du Palais de la Nation offraient, dès neuf heures, le spectacle d’une animation intense. Une foule immense stationnait autour du Parc, le cœur du Bruxelles gouvernemental, et s’échelonnait dans la rue Royale, la rue de la Loi et la rue Ducale que devait suivre le cortège des souverains dont on avait respecté l’itinéraire traditionnel. Les députés arrivaient par groupes, commentant les nouvelles de la nuit. D’innombrables curieux les suivaient dans l’espoir d’obtenir une carte d’entrée. La porte donnant accès aux tribunes publiques avait été assiégée depuis la veille au soir par une foule avide de contempler la scène historique qui allait se dérouler.

La salle des séances se remplit rapidement. On n’avait pas eu le temps de lui donner la décoration des grands jours. Le trône de velours rouge, qui remplaçait d’habitude le bureau