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présidentiel lors des séances royales, n’avait pu être dressé. On s’était borné à orner ce dernier de quelques faisceaux aux couleurs belges et congolaises et d’un écusson aux armes du royaume. Le fauteuil doré du trône, sur le dossier duquel est brodée la devise nationale, remplaçait sur l’estrade le fauteuil de cuir du président de l’assemblée. Au-dessus du bureau, la blanche statue de Léopold Ier, de Geefs, se dresse sur son piédestal où brille la date de l’inauguration du fondateur de la dynastie : 21 juillet 1831. Sur les panneaux du fond de la salle, d’autres inscriptions rappellent les débats les plus mémorables du Congrès de 1830. Le regard se portait instinctivement vers ces souvenirs des premiers jours de l’indépendance, et l’on sentait confusément que la postérité verrait dans la date du 4 août 1914 un jour dont il faudrait aussi perpétuer le souvenir.

L’hémicycle se remplissait de députés et de sénateurs ; ceux-ci occupaient toute la gauche de l’assemblée. Devant les gradins, une longue table était réservée au bureau que présidait le doyen d’âge des deux Chambres, M. Frédéric Delvaux, député d’Anvers, âgé de quatre-vingts ans. C’était un aimable vieillard aux cheveux blancs, vigoureux et alerte. En l’absence de M. Mullendorf, bourgmestre de Verviers, retenu en sa ville par la gravité de l’heure, l’honneur de présider la séance lui revenait de droit. Il était assisté des deux plus jeunes membres de l’assemblée, M. Pécher, son petit-fils, et M. Devèze, député de Bruxelles. Tous trois appartenaient à la gauche libérale. Le greffier de la Chambre et le greffier du Sénat les aidaient dans l’accomplissement des formalités réglementaires.

La Chambre avait été renouvelée par moitié au mois de mai, et c’était sa première réunion depuis les élections. Le pays venait de goûter le calme heureux qui suit généralement la période d’agitation intense de la campagne électorale. Les vacances avaient commencé de bonne heure ; le monde politique était dispersé, à la mer et dans la montagne. Les préoccupations dominantes de ces derniers mois étaient bien éloignées des dures réalités qui motivaient l’extraordinaire convocation de ce jour. On avait assisté, durant la campagne électorale, à un certain réveil de l’esprit antimilitariste. L’opposition, notamment dans le Limbourg, avait vivement combattu les impôts qui devaient couvrir les dépenses militaires et avait remporté dans cette province agricole, où l’on ne se souciait