Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le baron de Broqueville éIève la voix pour évoquer la vision nécessaire des plus sinistres perspectives ; il y a des enthousiastes à qui ses paroles font mal, mais il faut que l’histoire puisse attester que la réponse belge à la sommation allemande n’émana pas de cerveaux grisés par un facile optimisme.

« Et moi, » continue-t-il dans un superbe mouvement d’éloquence réfléchie, le seul qu’il se soit permis au cours de cette séance, « je le déclare, au nom de la Nation tout entière, groupée en un même cœur, en une même âme, ce peuple, même s’il était vaincu, ne sera jamais soumis ! »

Un violent coup de poing sur la tribune ponctua cette phrase que les événemens devaient bientôt justifier. La salle éclata en acclamations prolongées. M. Carton de Wiart, debout au banc des ministres, s’écrie : « L’Union fait la force ! » et semble, en cette minute même, proclamer les raisons profondes de l’union sacrée.

Le vieux doyen d’âge se leva alors. « Messieurs, dit-il, au nom de la représentation nationale, nous devons prendre acte des déclarations solennelles que M. le ministre vient de faire au nom du gouvernement. Notre unique réponse, c’est que nos cœurs sont avec lui et que nous mettons en lui tout notre espoir. Nous lui crions : « Vive la Belgique ! » Par l’énergie des Belges, soyons-en convaincus, elle ne périra pas ! »

Le député libéral d’Anvers, par cette émouvante apostrophe au ministre catholique qui avait prévu le péril, mais dont le seul malheur était de venir trop tard, interprétait vraiment la confiance du pays tout entier. Au milieu de l’enthousiasme général, les sénateurs se retirent dans la salle de leurs délibérations. La séance des assemblées réunies avait à peine duré une demi-heure.


La Chambre ouvrit donc sa session régulière. Le temps pressait. Sur la proposition du doyen d’âge, qui présidait jusqu’à la constitution du bureau définitif, elle résolut de valider en bloc les pouvoirs des nouveaux élus et d’élire par acclamation l’ancien bureau de l’Assemblée. M. Schollaert reprit donc le fauteuil et donna l’accolade au vénérable M. Delvaux. Tous deux sont morts, le premier en exil, le second sous l’occupation