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noté dans un de ses discours d’exil : « L’effort séculaire poursuivi par les aïeux contre l’oppression étrangère revivait tout à coup dans l’enthousiasme d’un patriotisme dont la Nation ne soupçonnait pas elle-même toute l’ardeur. »

Cette Chambre, qui jusque-là s’était montrée incapable de voter en temps utile le budget, qui prolongeait interminablement les plus futiles discussions, qui harcelait d’interpellations et de questions les ministres débordés, accepta sans débat le défi de l’Empire allemand. Ne faut-il pas voir, dans cette séance, dont nous avons essayé de retracer les grandioses péripéties, une confirmation de ce que ceux qui connaissent la psychologie des individus et des foules ont souvent prétendu, à savoir : que nous sommes gouvernés par des forces dont nous n’apercevons pas, en temps ordinaire, toute l’emprise ? Un grand écrivain a flétri le régime moderne en montrant, dans les orateurs qui exaspèrent jusqu’à la haine les luttes de parti, les morts qui parlent plus haut que les vivans. Mais cette formule peut recevoir une plus consolante interprétation. On pourrait, dans les spectacles d’un Parlement qui donne subitement le magnifique exemple montré par le Parlement belge, le jour de l’invasion du territoire, trouver la preuve que les divisions qui paraissent les plus profondes, les erreurs les plus invétérées se taisent et s’effacent dès qu’une catastrophe éveille en nous les puissances inconnues que des siècles de lutte ont mystérieusement déposées dans les hérédités d’une même race. A certaines heures, un souffle surnaturel transfigure les plus modestes acteurs de la scène du monde, et l’homme apparaît comme le fils de ses pères et l’héritier de toute sa race, marqué de la divine empreinte qui ennoblit le limon dont il est pétri.


Cte LOUIS DE LICHTERVELDE.