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six projets de lois soumis à ses délibérations, et les noms des Liégeois furent appelés les premiers. Ils votèrent oui, puis se retirèrent au milieu des sympathies émues de leurs collègues.

A 11 h. 50, M. Schollaert levait la séance aux cris mille fois répétés de « Vive la Belgique ! » Le vénéré président venait d’accomplir le dernier acte de sa longue carrière parlementaire. La Chambre belge, dispersée par la tourmente, ne devait plus se réunir sous sa magistrature.


L’attitude du Parlement belge, le 4 août 1914, restera un des plus nobles exemples qu’ait jamais donnés une Chambre représentative. Aucune tache n’est venue voiler la splendeur du tableau : le patriotisme, la concorde, la sobriété du langage, la rapidité et l’énergie dans la décision, toutes les vertus civiques enfin, les plus rares et les plus hautes, ont brillé ce jour-là d’un incomparable éclat. Les hommes qui composaient cette assemblée n’étaient ni meilleurs, ni pires que leurs concitoyens. Il y avait là, à côté de quelques individus d’un talent supérieur, des avocats, des médecins, des nobles, des ouvriers, de petits bourgeois qui étaient bien l’émanation des divers milieux sociaux d’une démocratie moderne dans sa complexité. Un trait de caractère leur était commun à tous pourtant : l’honnêteté profonde. La vie publique belge, malgré les tares inévitables qu’entraîne le système électoral, est restée singulièrement pure des compromissions d’argent, et les personnages moralement indignes ont toujours été rapidement éliminés par les soins de leur propre parti. La proposition allemande, par son cynisme, sa félonie et son mensonge, révolta les âmes. C’est ce qui explique que ce Parlement, où la connaissance des affaires internationales était si limitée, où figuraient avec autorité tant d’antimilitaristes à peine convertis et tout prêts à la récidive, où tant de braves gens avaient accepté les naïfs articles de foi de l’Internationale, sut donner tout à coup le spectacle de la clairvoyance la plus sûre et de l’énergie la plus virile. Un gouvernement ferme, qui avait eu le mérite de prévoir et le courage de parler haut, avait tracé la voie. Les Chambres le suivirent sans faiblesse, avec une telle unanimité, un tel élan qu’il faut voir à l’origine de leur geste autre chose que la seule impulsion de la raison politique. M. Henry Carton de Wiart l’a très justement