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par se grouper en petits États indépendans. Il est livré aux dissensions féodales, communes alors à toutes les nations en travail de formation, mais dont les Serbes paraissent avoir eu à pâtir plus longtemps que leurs rivaux balkaniques.

Leur conversion au christianisme pendant le Xe siècle fut surtout l’œuvre de deux apôtres byzantins, Cyrille et Méthode ; ils attachèrent à l’Église d’Orient la majeure partie de la population fixée au Sud de la Save, au lieu que, au Nord de cette rivière et sur le littoral de l’Adriatique, l’influence de Rome retint les Serbes dans le giron de l’Église catholique. Cette divergence dans la pratique du culte ne pouvait manquer d’être fatale à l’unité nationale, nécessaire à la race serbe, au moment où elle allait être menacée par l’apparition de formidables adversaires, les Hongrois, sur les bords de la Drave et les confins de la Croatie.

L’union se réalisa cependant au cours du XIIe siècle, après des essais de royaumes éphémères et en dépit de tendances obstinément séparatistes. Némagna, grand joupan du Monténégro, fonda la dynastie des Némagnitch, qui donna à la nation rassemblée sous son autorité sept rois et deux empereurs. Elle gouverna pendant près de deux cents ans, favorisée par la décadence de Byzance, ayant pour pilier solide la religion orthodoxe, repoussant les attaques des deux ennemis, que la Serbie a toujours trouvés sur son chemin, avant comme après la conquête musulmane : les Hongrois et les Bulgares.

Avec leur roi Miloutine les Serbes apprennent à jouer un rôle prépondérant dans les Balkans. Son règne est l’aurore d’une culture serbo-byzantine, qui fleurit dans la construction de belles et nombreuses églises. L’architecture religieuse fut pour la jeune nation la première expression de sa foi ardente et d’une civilisation qui cherchait à s’affirmer. Sous le second successeur de Miloutine, Douchan, le pays atteint son plus vif éclat historique. Pendant vingt-quatre ans (1331-1355), il mène contre ses voisins une guerre marquée par des victoires ; elles étendent ses frontières des monts Rhodope à l’Adriatique et de la Thessalie au Danube et à la Save. Le jour de Pâques 1346, Douchan se fait couronner, dans une assemblée nationale convoquée à Uskub, Empereur (tsar) des Serbes et des Grecs.

Une grande idée dirige alors sa politique/ Les Turcs, après avoir chassé les Byzantins de l’Asie Mineure, ont pris pied en